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Alimentation durable et consommation de viande

Dernière mise à jour : 19 mars

Le PNNS doit prendre en compte les enjeux environnementaux dans l'élaboration des repères alimentaires

Sortes de viandes consommées en France

Dans le cadre de la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat, le Réseau Action Climat France (RAC) et la Société Française de Nutrition (SFN) ont conduit une étude qui conclue à la nécessité d’actualiser les recommandations alimentaires du Programme National Nutrition Santé (PNNS).


L'objectif serait de prendre en compte, non seulement, les enjeux de nutrition et de santé humaine, mais aussi les impacts environnementaux liés à l’alimentation (1).



LA STRATÉGIE NATIONALE POUR L'ALIMENTATION, LA NUTRITION ET LE CLIMAT


La loi « Climat et résilience », loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, prévoit qu’une Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat détermine les orientations de la politique de la nutrition et de l'alimentation durable :

  • Moins émettrice de gaz à effet de serre,

  • Respectueuse de la santé humaine,

  • Davantage protectrice de la biodiversité,

  • Favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux,

  • Garante de la souveraineté alimentaire.


Cette loi s'appuie notamment sur le PNA (Programme national pour l’alimentation) et sur le Programme national nutrition santé (PNNS).


À ce titre, les ministères successifs en charge de l’alimentation sont régulièrement à l’initiative d’appels à projets qui s’inscrivent dans les orientations de la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat.


La clôture des candidatures de la dernière édition a eu lieu le 15 janvier 2024 pour une annonce publique des résultats fixée au printemps 2024 (2).



VERS UNE ALIMENTATION PLUS DURABLE


Les propositions du Réseau Action Climat et de la Société Française de Nutrition


À ce jour, dans les recommandations émises par le PNNS, la dimension d’alimentation durable est encouragée,


« En conseillant de privilégier les aliments d’origine végétale plutôt qu’animale, les aliments des producteurs locaux, les aliments de saison, et si possible les aliments bio, qui par ailleurs pourraient avoir un impact bénéfique sur la santé ».

Un Programme National Santé Climat


L’étude conjointe du Réseau Action Climat (RAC) et la Société Française de Nutrition (SFN) fait des propositions générales hors repères de consommation telles qu’une révision plus profonde des recommandations du PNNS pour mettre en place un Programme National Nutrition Santé Climat, en intégrant l’ADEME dans son processus d’élaboration, de prise en compte des inégalités socio-économiques (consommateurs, rémunération des agriculteurs) ainsi que l’évolution de la formation initiale et continue sur la nutrition et l’alimentation des professionnels de santé.


Évolution de la consommation de viande


Par ailleurs, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en satisfaisant l’ensemble des apports nutritionnels recommandés, l’étude propose de faire évoluer les recommandations en termes de consommation de viande, à savoir :

  • Une diminution de 50 % de la consommation de viande par rapport à la moyenne française actuelle,

  • Une évolution des recommandations alimentaires du PNNS, en invitant en particulier à ne pas consommer plus de 450 g de viande par semaine (toutes viandes confondues, incluant la viande rouge, la volaille et la charcuterie),

  • Et parallèlement, à manger des légumineuses chaque jour (lentilles, pois chiches, haricots secs, etc.) et à augmenter la consommation des fruits à coque.

Si on compare avec les autres pays européens, la prise en compte des impacts environnementaux liés à l’alimentation figure de façon plus moins hétérogène dans les différents guides alimentaires (3).


À ce titre, la base de données la plus avancée à ce jour en la matière est le « Nordic Nutrition Recommendations 2023, Integrating Environmental Aspects », ou recommandations nutritionnelles nordiques (NNR), qui constituent la source scientifique des directives alimentaires nationales et des recommandations nutritionnelles dans les pays nordiques et baltes (4).


Pour des raisons de santé, il y est recommandé que la consommation de viande rouge de bovins, d'ovins, de caprins et de porcins (y compris la viande rouge dans les produits et les aliments transformés) soit faible et ne dépasse pas 350 grammes/semaine prête à consommer (poids cuit, équivalent de 500 g en poids cru).


La viande rouge transformée doit être aussi faible que possible.


Pour des raisons environnementales, la consommation de viande rouge devrait être considérablement inférieure à 350 grammes/semaine mais le NMR précise que la réduction de la consommation de viande rouge ne doit pas entraîner une augmentation de la consommation de viande blanche.


Pour minimiser l’impact environnemental, la consommation de viande devrait être remplacée par une consommation accrue d’aliments végétaux, tels que les légumineuses, et le poisson provenant de stocks gérés de manière durable (5).



DONNÉES SUR LA CONSOMMATION DE VIANDE EN FRANCE


Que recommande le PNNS 4 sur la consommation de viande ?


L’élaboration des recommandations reprises par le PNNS 4 ou encore par le HCSP (Haut conseil de la santé publique) relève de la libre retranscription du travail de synthèse de l’ANSES.


Le PNNS recommande de :


« Privilégier la volaille (poulet, pigeon, canard, lapin) et de limiter les autres viandes dites hors volaille (porc, boeuf, veau, mouton, agneau, chevel, abats) à 500 g par semaine » et de « Limiter la charcuterie à 150 g par semaine ».

In fine, le repère alimentaire de la consommation de viande hors volaille est généralement fixé à 650 g / semaine par amalgame cumulatif.



Avis de l'ANSES sur la consommation de viande hors volaille et de charcuteries


En France, l’Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (ANSES) est l’instance chargée d’émettre des avis en termes de repères alimentaires principalement sur la base de données nutritionnelles (couverture des besoins en macro et micronutriments) et sanitaires (limiter l’exposition aux contaminants environnementaux présents dans l’alimentation).


Le dernier avis ayant permis la révision des repères de consommation alimentaires pour la population générale a été émis fin 2016 (6).


Les données retranscrites par l’ANSES indiquent qu’il est nécessaire de limiter la consommation de viande hors volaille et de charcuterie.


Afin d’établir une limite maximale d’apport, le rapport se base sur les études épidémiologiques concernant le cancer colorectal. Et la majorité d’entre elles rapporte une augmentation statistiquement significative du risque, par rapport à la classe de référence, dès 70 à 80 g/j de consommation.


Cette valeur rejoint la limite maximale de consommation individuelle de 500 g par semaine de viande hors volaille proposée par le WCRF (WCRF Word Cancer Research Fund International, 2011).


Dans l'étude du CIRC sur les facteurs de risque, 10,7 % des cancers de l'estomac et 9,8 % des cas de cancer du côlon ont été attribués à une consommation importante de viandes transformées incluant les charcuteries.


Dans ce cadre, le WCRF recommande :


  • De consommer au plus 350 à 500 g (700 à 750 g crue) de viandes hors volailles par semaine (la variable entre la fenêtre basse et la plus haute est essentiellement liée à la présence des hydrocarbures polycycliques issus des cuissons hautes températures),

  • De réduire si possible à zéro la consommation de viandes transformées dont les charcuteries (la toxicité est en lien avec la production de composés N-nitrosés NOCs dont le fer héminique nitrosylé).


Ces données rejoignent la majorité des interprétations reprises par les différents guides alimentaires des pays de l’union européenne ainsi que les informations dispensées au sein d’Oreka Formation.


Au-delà de relayer des recommandations « officielles » par des intermédiaires à la communication parfois confuse, nous avons à cœur de relayer des informations « originelles » et documentées sous un angle complet, c’est-à-dire selon le spectre alimentaire d’une balance à bénéfices/risques optimisés.


  • La fenêtre basse de consommation de viande hors volaille hors problème de santé est donc bien de 300 à 350 g par semaine (bénéfices nutritionnels mais également fonctionnels non substituables par les seuls produits végétaux, mais éventuellement par les produits de la mer, en tendant compte des risques sanitaires et environnementaux),

  • La consommation de charcuterie n’est pas conseillée mais relève d’une consommation occasionnelle qui doit être limitée à 150 g par semaine (limite discutable alors que la Belgique fixe une limite de consommation de 30 g de viandes transformées par semaine).


À noter que la plupart des études épidémiologiques réalisées dans les pays anglo-saxons ne font pas référence à la seule charcuterie mais plus globalement à l’ensemble des viandes transformées dont la teneur en composés néoformés néfastes est extrêmement variable.


L’ANSES rappelle que cette appellation de « viande transformée » correspond à la viande qui a subi des procédés de transformation dans le but d’améliorer la conservation et/ou de développer les arômes, tels que :

  • La salaison,

  • Le séchage,

  • La fermentation,

  • Le fumage.

Exemples : le jambon, les saucisses, le bacon, le corned-beef, le bœuf séché et les viandes en conserve.


Dans le contexte français, les viandes transformées correspondent essentiellement aux charcuteries (jambon cuit ou cru, saucisses, saucisson, pâté, etc.) dont 63 % des adultes en France dépassent la limite des 150 g semaine (7).



Que disent les enquêtes sur la consommation de viande en France ?


En 2016, la consommation moyenne de viande cuite hors volaille des adultes en France était de 320 grammes par semaine (46 g/jour), dont 65 % de bœuf, 19 % de porc, 7 % de veau, 5 % d’agneau et 1 % de viande chevaline (CRÉDOC – enquête CCAF 2016 - adultes de 18 ans et plus) et d'une consommation de 300 g par semaine selon les dernières enquêtes de 2019.


À remarquer toutefois que la consommation de viande rouge a enregistré une légère hausse ces deux dernières années mais qui, au final, ramène son chiffre à un niveau similaire à la consommation des années 2010 (Espinosa R, CNRS).


Cette consommation moyenne cache de grandes disparités :

  • 23 % des consommateurs en mangent moins de 100 g par semaine,

  • 20 % en mangent plus de 500 g par semaine (8, 9).

Néanmoins dans un objectif plus que justifié d’aller vers une alimentation durable, il est important de relever que derrière cet arbre qui cache la forêt, en termes d’habitudes françaises de consommation à impact sanitaire mais également environnemental (impact des importations et des transformations), se cachent :


  • Une augmentation de la consommation de poulets (moyenne 15 poulets par personne en 2022, soit un peu plus de 28 kilos) associée à une succession de crises sanitaires de la filière conduisant à une augmentation majeure des importations de poulet (proportion à 50.5 % en 2022),

  • Une diminution régulière de la consommation des produits frais au profit des produits très transformés (viandes mais également plats composés, sandwichs, pizzas-quiches et tartes salées).



ALLER PLUS LOIN DANS LES RECOMMANDATIONS DE CONSOMMATION DE VIANDE POUR TENDRE VERS UNE ALIMENTATION DURABLE


Prendre en compte les enjeux environnementaux dans l’élaboration des repères alimentaires nous semble en effet une bonne proposition, mais finalement, l’angle de la consommation de viande dite rouge semble réducteur.


La bonne lecture des repères de consommation de l’ANSES vis-à-vis de la consommation de viande hors volaille mais également la consommation moyenne des français est relativement déjà compatible avec cet enjeu (entre 300 et 350 g en volume cuit par semaine).


Il serait plus judicieux d’enrichir les recommandations actuelles de :

  • Repères alimentaires pour les viandes transformées, y compris de volaille : il s'agit de du problème émergent sanitaire mais également à impact environnemental le plus préoccupant de notre alimentation occidentale,

  • Repères alimentaires pour la consommation de viande de type volaille (solution non substitutive à la réduction de consommation de viande hors volaille),

  • Repères alimentaires pour la totalité des viandes (volaille + hors volaille + charcuterie),

  • Repères alimentaires pour la consommation des œufs.

Enfin, même si notre travail dans la formation est justement d'amener les professionnels de santé à une clarté de conseils auprès de leurs patients, les institutions chargées de retranscrire les avis scientifiques auprès du grand public gagneraient à :

  • Harmoniser leur discours,

  • Être plus précis en termes de bénéfices nutritionnels, sanitaires et environnementaux versus les risques associés.


La substitution des termes « limiter », « diminuer », « éviter » ou encore "privilégier" par des repères quantifiables permettrait d'éviter des raccourcis et dérives restrictives et substitutives pouvant devenir, à terme, néfastes pour la santé des populations mais également de l'environnement.


Marie-I. LODATO


Formatrice en Santé environnementale, Nutraceutiques et Plantes médicinales

Co-Responsable pédagogique Oreka Formation

Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative



3- EU Joint Research Centre. Health Promotion & Disease Prevention – Food-based Dietary Guidelines in Europe. Accessed on 26 Jul 2023

4- Nordic Council of Ministers. Nordic Nutrition Recommendations 2023. Integrating environmental aspects. 388p. Disponible sur: https://www.norden.org/en/publication/nordic-nutrition-recommendations-2023.

6- Anses. Actualisation des repères du PNNS : révision des repères de consommation alimentaires. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. Décembre 2016. 280p.

7- Etude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition (Esteban), Chapitre Consommations alimentaires. Saint-Maurice : Santé publique France, 2017. 193 p.






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