Une nouvelle plateforme à destination des professionnels et des consommateurs de compléments alimentaires

Aujourd’hui, on estime que 60 % des français consomment régulièrement des compléments alimentaires.
Au-delà des mises en garde un peu généralistes et parfois alarmistes de la part de certains médias ou catégories professionnelles, il est indéniable que le sujet de la sécurisation de l’usage du complément alimentaire prend racine dans sa composition elle-même.
Si le consommateur reste l'acteur majeur, cette sécurisation concerne également le prescripteur, légitimé par sa profession, ainsi que tout professionnel susceptible de conseiller un complément alimentaire.
Dans les 2 cas, l'expertise scientifique ou pharmaceutique sont des atouts nécessaires qui ne vont pas de soi, y compris quand le droit de prescrire un complément alimentaire est une prérogative.
À l’occasion d’une actualité sur la mise à disposition d’un nouvel outil administratif destiné à « accroître la transparence du secteur des compléments alimentaires », je vous propose d’élargir le débat sur les composantes de la sécurisation du secteur, de son cœur de constitution à son potentiel mésusage.
COMPL'ALIM : UNE NOUVELLE PLATEFORME POUR UNE CIRCULATION DE COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES SÛRS ET CONFORMES
Suite au transfert de compétence en matière de sécurité alimentaire entre la DGCCRF et la DGAl (Direction générale de l’Alimentation), désormais en charge du contrôle des déclarations de compléments alimentaires, Compl’Alim fait office de nouvelle plateforme administrative au service de la mise sur le marché des compléments alimentaires en France.
En effet, depuis le 1er janvier 2025, la plateforme TéléIcare, propriété de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) n’est plus active.
En favorisant l’accessibilité des données et informations relatives aux compléments alimentaires (statut, teneurs maximales autorisées, messages d’avertissement à apposer etc.), le nouveau service Compl’Alim a non seulement comme objectif de faciliter et renforcer l’application des exigences faites aux industriels du secteur mais également l’autonomisation du consommateur.
Il vise à :
« … une circulation de compléments alimentaires conformes à la réglementation, sûrs en termes de santé publique et adaptés aux besoins physiologiques des consommateurs ».
Ainsi le consommateur (ou professionnel de santé) peut désormais consulter une base de données réglementaires par ingrédient en termes de statut, doses recommandées, de doses maximales autorisées.
Le corollaire à ce volet consommateur suggère également la possibilité de « signaler » d’éventuelles substances circulantes non présentes dans le catalogue.
Ce service à disposition des usagers, constitue une nouvelle facette de la sécurisation de l’usage des compléments alimentaires et s’ajoute au devoir de déclaration d’effets indésirables auprès de la plateforme de Nutrivigilance déjà en place.
COMPL'ALIM : ILLUSTRATION DE LA PLATEFORME
Les compléments alimentaires constituent une source concentrée de nutriments (vitamines et minéraux) ou d'autres substances et plantes, ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seul ou combiné. Ils peuvent aussi contenir des ingrédients « non actifs » utilisés pour des fonctions technologiques ou d’aromatisation.
Contrairement aux denrées classiques, ils ne sont pas constitués d’une matrice alimentaire, c’est-à-dire d’une structure physique complexe associant notamment des macronutriments (glucides, lipides et protéines).
L’article 4 du décret n°2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires fait état que seuls peuvent être utilisés pour la fabrication des compléments alimentaires :
Les nutriments
Prenons les exemples de la vitamine B12 et de la vitamine B9.
En tapant « vitamine B12 » et respectivement « vitamine B9 » dans l’onglet de Recherche par ingrédients, on obtient les formes disponibles et leur statut sur le marché notamment si elles sont autorisées ou pas.
En cliquant sur les substances respectives, on obtient des valeurs génériques informatives (à ne pas confondre avec des recommandations) notamment les apports nutritionnels de référence et d’éventuels commentaires notamment en termes de besoins par population ou encore de teneur ou quantité maximale autorisée dans le complément alimentaire (là encore différent d’un apport maximal tolérable AMT).
Par ailleurs, possibilité est faite par la plateforme de signaler une erreur ou incohérence.



Les substances à but nutritionnel ou physiologique
Il s'agit de substances chimiquement définies à l’exception des vitamines et minéraux et des substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques.
Voici quelques exemples :



Les plantes et préparations de plantes
Cette catégorie inclue tous les végétaux au sens large (champignons, algues, microalgues…), à l’exclusion de celles possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique.
La plateforme indique les parties autorisées et donne accés, dans certains cas, aux principaux composés bioactifs à des fins de standardisation ou de réglementation.





Les autres ingrédients et additifs, arômes et auxiliaires technologiques
Cette catégorie inclue :
Les autres ingrédients dont l’utilisation en alimentation humaine est traditionnelle ou reconnue comme telle au sens du règlement (UE) n°2015/2283 relatif aux nouveaux aliments, ou autorisés conformément à ce règlement.
Les additifs, les arômes et les auxiliaires technologiques dont l’emploi est autorisé en alimentation humaine.
Pour l’utilisateur, cet outil administratif permet donc rapidement de :
Vérifier si la forme de nutriment, le composé bioactif ou la plante sont autorisés,
Donner des informations génériques sur différentes références nutritionnelles destinées aux industriels de la nutrition, ainsi que les mentions obligatoires d’étiquetage en termes d’avertissement.
Faire mention de certaines « doses sécuritaires » au-delà desquelles notamment en termes de phytonutriments des effets secondaires ou pharmacologiques ont été observés.
Il s’agit d’un open data minimal, incomplet, en termes de sécurisation du secteur des compléments alimentaires qui ouvre ensuite à discussion en termes de personnalisation de la gestion des risques de l’usage qu’il en est fait.
SÉCURISATION DU COMPLÉMENT ALIMENTAIRE : VERS UNE VISION PLUS COMPLÈTE
Le débat un peu binaire autour de l’utilisation et des risques liés à l’utilisation de complément alimentaire repose sur les mêmes enjeux que le discours tenu sur la supplémentation.
Entre la posture de certains professionnels de santé face à un problème qualifié de "non sujet" (alors que 6 français sur 10 consomment des compléments alimentaires) et le droit de préemption réclamé par d’autres parce qu'il s'agit d'une des disciplines de la nutrition moderne, il est grand temps d'élargir un peu de débat.
La sécurisation du complément alimentaire et de son usage suppose de :
Savoir choisir le complément alimentaire, pour le consommateur et les acteurs du conseils,
Savoir juger des risques associés et, en conséquence, adapter les conseils pour le prescripteur ou le professionnel susceptible de réaliser un conseil.
Savoir choisir le complément alimentaire
ll s'agit de risques liés au complément lui-même et donc en l'état de questions de santé publique destinées à tous les publics.
Cela suppose le rappel systématique que :
Rien ne remplace une alimentation saine et diversifiée.
Une prescription médicale ne peut ni ne doit être interrompue sans l’avis d’un médecin et que les compléments alimentaires ne peuvent se substituer ni à l’un ni à l’autre.
Les aspects réglementaires doivent être respectés (cf Compl’Alim),
Mais également l’intégration d’aspects sanitaires :
La présence ou non de critères d’« ultra transformation » du complément alimentaire,
La traçabilité, pureté, standardisation des extraits,
L’existence de labels qualitatifs,
L’impact environnemental du produit, et au-delà l'éthique du laboratoire lui-même, demeurent des points clé de sélection, tant au niveau individuel que dans une démarche de « one health ».
Savoir juger des risques associés
Il s'agit de risques liés au mésusage du complément alimentaire et, même si la responsabilité du consommateur peut être impliquée, ce risque découle parfois des conseils du professionnel ou praticien de santé, quelque soit sa qualification initiale.
Il s'agit d'une question de formation continue qui relève aujourd’hui plus de la médecine environnementale que de la nutrition.
En effet, cela implique de :
Savoir juger de l’adéquation des composés et teneurs conseillées individuellement que ce soit en nutriments, en composés bioactifs ou extraits de plantes, au regard des besoins qui exposent à des risques aigus y compris cumulatifs (exposition unique à doses élevées) ou de toxicité chronique (expositions répétées sur une longue période).
Dans le cadre de la révision des limites de sécurité pour certains nutriments, l’EFSA a finalisé et publié son évaluation en juin 2024.
L’évaluation de l’apport maximal tolérable (tolerable upper intake level UL) s’appuie désormais sur des codes communs à la gestion des risques environnementaux et met en lumière des différences de marges thérapeutiques.
Dans le secteur des plantes, le groupe de travail « Plantes » piloté par l’ANSES (dans le cadre du décret n°2006-352 relatif aux compléments alimentaires et de l’arrêté du 24 juin 2014) a recensé les plantes susceptibles d’être utilisées dans les compléments alimentaires et bénéficiant d’une monographie de l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency), nommée « monographie EMA ».
Certains avertissements et recommandations, proposés dans les monographies de ces plantes et utilisés dans le cadre du médicament, peuvent faire l’objet d’une extrapolation pour une utilisation de ces mêmes plantes dans les compléments alimentaires.
Parallèlement de nombreux avis, fruit des remontées de Nutrivigilance, ponctuent régulièrement l’actualité en termes d’avertissement.
▶️ Quelques articles spécifiques pour aller plus loin :
Repérer les populations et situations à vulnérabilité spécifique afin d'éviter les risques à composante épigénétique précoce (risque à l'âge adulte à distance de l'exposition précoce) ou les risques subaigus/subchroniques (exposition à doses plus faibles y compris cumulatives que le risque aigu mais sur une période plus courte que le risque chronique).
Ce travail de repérage s'impose classiquement :
Sur les populations médicamentées avec le travail d'évaluation des risques d’interactions avec les produits pharmaceutiques,
Sur les populations à reprogrammation épigénétique en cours (femmes enceintes, allaitantes, jeunes enfants) où le risque majoré de malformations, de troubles du neurodéveloppement ou de pathologies cancéreuses, gynécologiques, immunitaires ou métaboliques, se fera à distance de l'exposition.
Les adolescents font également partie de cette population dans le cadre des risques associés à la santé mentale.
Sur certaines populations à problématiques spécifiques (infertilité, vulnérabilité thyroïdienne, immunosénescence, insuffisance de masse mitochondriale...).
Le travail de repérage est beaucoup moins automatisé dans ces situations où il existe un risque corollaire des compléments alimentaires sur d'autres sphères ou systèmes visés par le conseil lui-même ou l'objectif de consultation (effets antinutritionnels, effets endocrines ou parfois perturbateur endocrinien, effets immunosuppresseurs, cytotoxicité, altération du potentiel de membrane mitochondriale etc.).
Insuffisamment documenté et sujet à dérives, il s'agit bien plus qu'un effet secondaire malheureux mais bien d'un mésusage du complément alimentaire.
Exemple :
Prenons l’exemple de composés phénoliques ou d'alcaloïdes largement utilisés sur la sphère intestinale notamment pour leur modulation du microbiote.
Certains praticiens légitimisent la pratique de protocole de supplémentation sur la base d’une médecine à données probantes appliquant des doses thérapeutiques parfois vertigineuses !
Il n'est pas impossible que des études à bon niveau de preuve ou des méta-analyses établissent des doses actives de composés phytochimiques correspondant à des coefficients de x 2, x 3 ou x10 de la quantité maximale autorisée dans les compléments alimentaires.
Le professionnel jugeant le bénéfice supérieur au risque, se met alors en situation d’utilisation thérapeutique d’une molécule ayant fait l'objet de signalements d'effets secondaires dans le cadre de la DGAl.
Même si son statut légitimise cette pratique ou encore que les résultats sont jugés satisfaisants au regard d'une clinique partielle ou d'un résultat d'analyse du microbiote intestinal "healthy", la suite peut s'avérer plus sombre.
Prenons un peu de recul.
La personne qui a consommé pendant des mois cette berbérine ou polyphénols à doses non physiologiques (y compris parfois par exposition cumulative), se trouve dans une situation d’infertilité récidivante et/ou d’immunosénescence réfractaire.
Le microbiote intestinal se porte mieux mais la réceptivité de l’endomètre fondée sur un équilibre immunologique subtil est devenu totalement inapte à l’implantation (quand ce n'est pas une cytotoxicité directe) provoquant une succession de fausses couches et parallèlement une certaine susceptibilité aux infections à répétition a été signalée.
L’utilisation de complément alimentaire relève bien entendu de données probantes mais attention à l'angle d'expertise attendu.
La mise à disposition et consultation de données intégrées, et actualisées, tant en termes de plus petite dose utile qu'en matière de toxicité subaiguë / subchronique (usage répété), permettent d'éviter l'écueil du mésusage sur certaines populations ou situations à vulnérabilité.
Mise à disposition de données intégrées en termes de sécurisation de l'usage de phytonutriments :
Je vous propose ici une synthèse de données de sécurité applicables aux apports cumulés de phytonutriments :


Points à retenir sur la sécurisation du complément alimentaire
Suite au transfert de compétence en matière de sécurité alimentaire entre la DGCCRF et la DGAl (Direction générale de l’Alimentation), Compl’Alim fait office de nouvelle plateforme administrative au service de la mise sur le marché des compléments alimentaires en France (disparition de la plateforme TéléIcare depuis le 1er janvier 2025).
Compl'Alim a pour objectif de faciliter l’accessibilité des données et informations relatives aux compléments alimentaires (statut, teneurs maximales autorisées, messages d’avertissement à apposer etc.) aux industriels du secteur mais également pour l’autonomisation du consommateur.
La base de données, en open data, de la nouvelle plateforme est présentée comme un outil destiné à renforcer la transparence et la sécurisation du secteur des compléments alimentaires dont l'utilisation concerne 6 français sur 10.
La notion de sécurisation du complément alimentaire comporte un volet relatif au produit lui-même ainsi qu'à son usage, ce qui engage la responsabilité du praticien ou professionnel de santé à l'origine de la prescription ou du conseil.
Au delà des effets secondaires, des interactions médicamenteuses, des risques de toxicité aiguë ou chronique, le bon usage du complémentaire alimentaire suppose une connaissance des risques d'exposition précoce (composante épigénétique) mais également des risques subaigus / subchroniques notamment en cas de populations ou situations à vulnérabilité (femmes enceintes, allaitantes, jeunes enfants, fonction thyroïdienne vulnérable, infertilité, parcours médicalement assisté etc.).
Marie-I. LODATO
Formatrice en Nutrigénomique Appliquée et Médecine environnementale
Co-Responsable pédagogique Oreka Formation
Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative
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