top of page

Folates : attention aux doses de méthyfolate pour la supplémentation en périnatalité

Dernière mise à jour : 6 juin 2023

Un ajustement des recommandations est nécessaire entre l'acide folique et le 5-MTHF


Femme enceinte se servant de compléments alimentaires pour une supplémentation en folates

L'offre de complément alimentaire en matière de supplémentation en folates a connu une vague de remplacement de la forme acide folique, imparfaite mais bénéficiant d'un bon recul, par les formes 5-MTHF.


Entre temps, les repères de consommation en folates ont été révisés et les apports satisfaisants, durant une période clé périconceptionnelle, précisés.


La recommandation par les instances sanitaires de supplémenter en acide folique les femmes en âge de procréer a été confirmée, mais les laboratoires ont progressivement substitué l'acide folique par ces formes méthylfolates sans tenir compte de leurs spécificités pharmacocinétiques.


Mais le groupe scientifique de l'EFSA sur la nutrition, les nouveaux aliments et les allergènes alimentaires (NDA) a rendu un avis scientifique en août 2022 (2).


Et cet avis confirme la nécessité d'appliquer un facteur de conversion en équivalent folates alimentaires (EFA), servant de base aux repères nutritionnels actuels, à ces formes 5-MTHF parfois surdosées dans certains complexes destinés aux femmes enceintes.


Guidée par mon mantra « bénéfice (nutritionnel)/risque (sanitaire) », si ténu en périnatalité, et sur la base de l'étude des effets secondaires, avérés et suspectés, sur le plan neurologique des folates, je vous propose de revenir sur cette brèche dans la réglementation et vous invite à planter vos propres graines de réflexion en matière de prévention.


 

SOMMAIRE





 

DONNÉES DE COMPRÉHENSION AUTOUR DES APPORTS EN FOLATES



Origine de la confusion sur les recommandations en folates


Selon l’ANSES, la supplémentation en acide folique pendant la période préconceptionnelle, au regard de son rôle bien établi, a donné lieu à des recommandations de la part des instances sanitaires appliquées depuis des années dans la population européenne.


Récemment les références nutritionnelles ont été actualisées pour la vitamine B9 et pour l’occasion, les apports satisfaisants (AS) se sont vus exprimés en µg EFA (équivalent folates alimentaires ou DFE dietary folate equivalents).


Les repères ont alors fait état d’un apport satisfaisant de 600 µg EFA pour les femmes susceptibles de devenir enceinte et jusqu’à la 12ième semaine de grossesse, confirmant l’intérêt de supplémenter à 400 µg en acide folique durant cette période (1).


L’ ANSES reconnaît que cette valeur de 600 µg EFA est surestimée pour le 2ième et 3ième trimestre mais reste acceptable en l'état.


À ce jour seules des limites supérieures de sécurité LSS (ou apport maximal tolérable UL) en acide folique existent à hauteur de 1000 µg/jour.


Pour ajouter à la confusion, la Commission européenne avait autorisé successivement ces dernières années, la mise sur le marché comme source de folate dans les compléments alimentaires, d'acides 5-méthyltétrahydrofolique, sel de calcium (5MTHF-Ca) puis sel de glucosamine (5-MTHF-glucosamine) sans qu'aucun facteur de conversion en EFA n'ait été discuté et encore moins validé.


Cette brèche dans la réglementation a conduit certains laboratoires à concevoir des complexes destinés aux femmes enceintes contenant jusqu'à 600 µg de 5-MTHF.


Mais est-ce que toutes ces formes présentent la même pharmacocinétique ?


Les formes de folates disponibles


Connus également sous la désignation de « vitamine B9 », les folates regroupent les folates alimentaires naturels et les folates contenus dans les compléments alimentaires et les aliments enrichis.


Le terme de folate est un terme générique utilisé pour un groupe de composés avec une structure centrale consistant en un cycle ptéridine, lié par un pont méthylène, à l'acide p -aminobenzoïque PABA, auquel un (ou plusieurs) résidu(s) glutamate sont liés par des liaisons peptidiques.


Schéma explicatif pour la structure chimique des folates

Le mot « folate » fait généralement référence aux formes physiologiquement actives de folate, notamment :

  • Le tétrahydrofolate,

  • Le 5-formyltétrahydrofolate,

  • Le 5-méthyltétrahydrofolate (5-MTHF).

Ce dernier est la principale forme présente dans le corps humain. Soit sous forme de monoglutamate dans la circulation ou stocké sous forme de polyglutamates dans les tissus, principalement dans le foie.


Les folates alimentaires

Aliments contant de la vitamine b9

Les folates alimentaires constituent un pool dynamique des forme réduites, hydrosolubles et instables, généralement des polyglutamates contenant 5 à 7 résidus de glutamate.


On estime que les aliments (épinards, choux, brocolis, mâche, haricot blanc, foies animaux, fraises, pain complet et germe de blé, foie) perdent 50 % de leur teneur même lorsqu’ils sont préparés de manière optimale.



Les folates des compléments alimentaires


L'acide folique (acide ptéroylmonoglutamique APG) représente la forme de supplémentation la plus anciennement connue (aliments enrichis et compléments alimentaires).


Il s’agit d’une forme synthétique très stable et oxydée de folate, qui nécessite des étapes de réduction et de méthylation pour atteindre le statut de molécule physiologiquement active.


Ces dernières années, la Commission européenne a autorisé comme source de folate dans les compléments alimentaires :

  • L'acide 5-méthyltétrahydrofolique, sel de calcium (5MTHF-Ca),

  • Plus récemment l'utilisation de l'acide (6S)‐5‐méthyltétrahydrofolique, sel de glucosamine (5MTHF-glucosamine) (conformément à l'avis de l'EFSA le 12 mars 2015, règlement (UE) n° 2015/414) (3).

  • Les formes 5-MTHF (également connues sous le nom de L-5-MTHF, 5-méthyl-folate, L-méthylfolate et méthylfolate) sont des molécules issues de la synthèse chimique ou de la fermentation sur levure. Il s’agit de monoglutamates, associés à des sels (calcium ou glucosamine) et stabilisés par des processus physico-chimiques.


Les principaux rôles des folates


Le folate est directement nécessaire par un processus de méthylation réductrice à l'activité d'une enzyme, la thymidylate synthase à l'origine de la biosynthèse d'un précurseur essentiel de l'ADN.


Le folate participe également indirectement, en collaboration avec d'autres nutriments, à diverses réactions de méthylation :

  • Mécanisme épigénétique et de co-activation transcriptionnelle,

  • Fonctionnement d’enzymes impliquées dans la métabolisation des oestrogènes,

  • Métabolisation des molécules neuroactives appartenant à la famille des monoamines telles que les catécholamines ou la sérotonine, mais également de l'acétylation des histones.

En tant que donneur de groupe méthyle, le folate est nécessaire aux processus normaux du métabolisme, de la reproduction et du développement (4).


Outre l’anémie mégaloblastique, des associations entre le statut nutritionnel en folate et les maladies chroniques telles que maladies cardiovasculaires, ostéoporose, certains cancers et dysfonctionnements cognitifs ont été rapportées.


La conception est une période demandeuse, non seulement en division cellulaire, mais également en reprogrammation épigénétique et la population des femmes en âge de concevoir présente fréquemment un statut en folates inadéquat. Les comportements de tabagisme, de consommation d’alcool ou certains médicaments, y compris la contraception, majorent ce besoin.


L'état nutritionnel maternel en folate est notamment lié au risque d'anomalies du tube neural (ATN) (5).


Du fait des besoins augmentés en préconception et premières semaines embryonnaires (600 µg EFA) et de l'instabilité des folates alimentaires, des recommandations de supplémentation en acide folique ont été proposées dès le projet de conception jusqu’à la 12ième semaine (au moins 4 semaines avant et 8 semaines après).


Les besoins en folates diminuent ensuite pour remonter durant l’allaitement (à 500 µg EFA).



Les examens de biologie du statut nutritionnel en folates


Dans la plupart des études mais également dans le suivi de patients et le bilan préconceptionnel, les outils biologiques d’évaluation du statut en folates comprennent :


Les concentrations sériques de folate


Indicateur fréquemment utilisé, sensible à l'apport alimentaire récent, donc ne pouvant refléter l'état à long terme.


Les concentrations de folate dans les érythrocytes


Indicateur fournissant une mesure à plus long terme des apports en folate mais hors nomenclature en France pour les examens de biologie médicale.


L'adéquation du folate a été définie comme folate érythrocytaire ≥ 340 nmol/L et folates sériques totaux ≥ 10 nmol/L.


Ces seuils dérivent des données de la troisième National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) aux États-Unis qui ont montré une stabilisation de l’homocystéine plasmatique à ces concentrations.


La concentration plasmatique d'homocystéine


Indicateur fonctionnel intéressant malgré son aspect peu spécifique du statut en folate car d’autres facteurs interagissent notamment un dysfonctionnement rénal et des carences en vitamine B12 ou encore en choline.


La valeur seuil la plus couramment utilisée pour les niveaux élevés d'homocystéine est de 16 micromol/L, bien que des valeurs légèrement inférieures de 12 à 14 micromol/L aient également été utilisées.


Un seuil d'homocystéine de 10 micromol/L a été proposé pour évaluer le statut en folate dans les populations.



Pourquoi les laboratoires ont-ils plébiscité les formes 5-MTHF ?


L'acide folique : une forme non réduite et non méthylée


Contrairement aux 50 % d'absorption pour les folates alimentaires naturellement présents dans les aliments, l'acide folique présente un pourcentage d'assimilation de :

  • 100 % pour l’acide folique synthétique sous forme galénique (comprimés, gélules, comprimés effervescents pris à jeun) ;

  • 85 % pour l’acide folique synthétique ajouté aux aliments (produits enrichis).

Néanmoins, il est nécessaire d'utiliser un facteur de conversion de l'acide folique en équivalent folates alimentaires (EFA) car dans l’organisme, l’acide folique doit être transformé en folates physiologiquement actifs.


Cela suppose que :

  1. La molécule soit réduite en dihydrofolate DHF puis une seconde fois pour former le tétrahydrofolate THF ;

  2. Ce dernier reçoive ensuite un groupe méthylène (-CH2- ; avec fixation à N5 et N10), donnant naissance au 5,10-méthylène-tétrahydrofolate (= 5, 10-MTHF), qui transmet à son tour son groupe méthylène pour la synthèse de l’ADN (6).


Pour préciser le point n°1, la capacité du corps à convertir l'acide folique en dérivés de folate réduit via une enzyme, la dihydrofolate réductase DHFR a lieu pour partie dans les cellules intestinales et dans le foie.


Cependant, c'est une enzyme relativement lente chez l'homme qui semble incapable de convertir complètement l’acide folique en tétrahydrofolate au-delà d’une certaine quantité.


La capacité physiologique de la DHFR est vraisemblablement dépassée lorsque l'acide folique est ingéré à des concentrations supérieures à 400 μg/j.


Selon certaines études des variables jusqu'à cinq fois différentes dans l'activité de la DHFR ont été rapportées chez l'homme ce qui, pour certains auteurs, fixe pour un faible pourcentage de la population le seuil de dépassement à 230 µg/j.


À noter que l’activation de la DHFR nécessite du NAD et de la cystéine (groupement thiol qui change de conformation).



Pour préciser le point n°2, la mise à disposition en 5,10-MTHF implique une autre étape médiée par l’activité enzymatique de la méthylène-tétrahydrofolate réductase MTHFR.


Ce groupe méthyle (CH3-), également transmis, s’associe à l’homocystéine, qui permet le recyclage de la méthionine.


La vitamine B12 constitue une coenzyme indispensable à cette transformation, mais de façon générale tous les acteurs du one carbone cycle sont nécessaires au bon déroulé de ces étapes intrinsèquement liées :

  • Les vitamines B2 et B6,

  • Le zinc,

  • La glycine et la sérine

  • Ainsi que d'autres donneurs de méthyle tels que la choline (et bétaïne) et in fine la S-adénosyl-méthionine.


Il a été longtemps reproché à l’acide folique la possibilité de « masquer » les symptômes d’une carence en vitamine B12.


Non seulement aujourd’hui, les méthodes d’exploration biologique ont évolué, mais selon l’Anses : « cet argument est neutralisé depuis que l’apport maximal tolérable (UL) a été fixé à 1000 μg d’acide folique par jour (hors folates alimentaires) pour l’administration chronique. En conséquence, cela ne constitue plus un argument valable pour le recours aux 5-MTHF ».


L’autre argument repris par les laboratoires est lié à la prévalence dans la population européenne du polymorphisme 677C → T du gène codant pour la méthylène tétrahydrofolate réductase, considéré comme étant le polymorphisme ayant le plus grand impact, en particulier lorsque les apports en folate sont faibles.


L'homozygotie pour l'allèle T est associée à une activité enzymatique MTHFR jusqu'à 70 - 80 % inférieure, entraînant une baisse d'environ 20 à 25 % de folate sérique et des concentrations plasmatiques totales d'homocystéine plus élevées par rapport au génotype 677CC.


En Europe et également dans la population française, sa prévalence est estimée à 10 % ou 12 % avec des disparités géographiques nord / sud.


La prévalence semble être plus faible (4 % et 6 %, respectivement) en Finlande et dans le nord des Pays-Bas, alors que dans certaines régions du sud de l'Europe, elle est beaucoup plus élevée (26 % et 20 % dans la région de Naples et en Sicile, respectivement ou encore dans les régions hispaniques) (7, 8).


Les mutations hétérozygotes plus fréquentes (autour de 40 %) peuvent entrainer une réduction de l’activité de la MTHFR à des niveaux moindres et ne représentent un facteur limitant que dans des situations de carences multiples (folates, B12, choline etc.).


À ce jour, il n'y a pas suffisamment d'informations pour évaluer l'impact des facteurs génétiques et/ou non génétiques sur la biodisponibilité de l’acide folique, y compris la dose-réponse pour l'apparition d'acides foliques non métabolisés dont les conséquences sur la santé sont encore discutées.


Pour une majorité des femmes françaises en âge de procréer, le recours à l'acide folique, à des doses inférieures à 400 μg/j, constitue une recommandation à bénéfice/risque acceptable.

Le facteur de conversion appliqué étant de 1.7 (400 μg d'acide folique correspondant à environ 680 μg d'EFA) ou 1 EFA = 1 μg folate alimentaire = 0,5 μg acide folique synthétique sous forme galénique ingéré à jeun = 0,6 μg acide folique synthétique ajouté aux aliments.


Individuellement, en fonction des antécédents et/ou origines géographiques, au delà d'une augmentation quantitative de la prescription en acide folique sur la base d'un avis médical, le recours à des formes 5-MTHF a semblé être une alternative.



Le 5-MTHF (5-méthyl-tétrahydrofolate) : une forme physiologiquement active


Les avantages du 5-MTHF résident dans le fait qu'il s'agit d'une forme :

  • Ne nécessitant pas d'étapes de réduction par la DHFR,

  • Économisant l'étape liée à la MTHFR.

Ce dernier avantage est néanmoins limité au premier cycle, et ne joue plus aucun rôle dans les autres cycles.


Utiliser des formes 5-MTHF ne dispense donc pas de vérifier tous les autres facteurs nutritionnels nécessaires au bon déroulé du one carbone cycle.

Deux autres points sont souvent mis en avant par les laboratoires en tant qu'avantages mais invitent à la prudence quant à la pharmacocinétique du 5-MTHF :

  • Il est fortement assimilable, notamment à haute dose (absence d’effet matrice),

  • Il peut rapidement traverser la barrière hémato-encéphalique BHE, ce qui n’est pas le cas de l’acide folique.

Il est à noter que pour les méthylfolates ajoutés aux aliments, ou contenus dans les compléments alimentaires les plus récents, les propriétés de biodisponibilité sont sans commune mesure avec celles des folates alimentaires car non seulement stables mais dépourvus de l’effet matrice.


En effet, le 5-MTHF naturellement présent dans les aliments fait partie intégrante d’une matrice alimentaire (fortes liaisons covalentes aux macromolécules protéiques et glucidiques) qui nécessite une digestion enzymatique par protéase et amylase avant d’être absorbé (9).


Par ailleurs, des différences dans les paramètres de pharmacocinétique des divers méthylfolates ont été rapportées au regard de la solubilité et du poids moléculaire de leurs sels respectifs parfois avec des pics de concentration en molécules actives jusqu’à 3 fois celui de l’acide folique (de surcroît inactif en l’état !) (10).


Il est donc légitime de ne pas considérer la forme 5-MTHF comme un simple folate alimentaire et encore moins d'y adosser des recommandations en EFA dépourvues de facteur de conversion.


SUPPLÉMENTATION EN 5-MTHF : FACTEUR DE CONVERSION NÉCESSAIRE ET LIMITES SUPÉRIEURES DE SÉCURITÉ EN QUESTION



Suite à une demande de la Commission européenne, le groupe scientifique de l'EFSA sur la nutrition, les nouveaux aliments et les allergènes alimentaires (NDA) a donc rendu en 2022, en se basant sur un jugement d'experts, un avis scientifique sur la conversion du calcium-l-méthylfolate et du sel de glucosamine de l'acide (6S)-5-méthyltétrahydrofolique (collectivement appelés 5‐MTHF) en équivalents folate alimentaire (EFA ou DFE).



Facteurs de conversion en EFA proposés par les experts de l'EFSA


Il est proposé d'utiliser le même facteur que pour l'acide folique pour la conversion du 5‐MTHF en équivalent folates alimentaires (EFA) pour des apports strictement < 400 µg/jour.


Ces niveaux d'apport étant peu susceptibles d'être dépassés par la consommation d'aliments enrichis, le facteur de conversion de 1,7 par rapport au folate alimentaire naturel pourrait être appliqué au 5‐MTHF ajouté aux aliments et aux compléments alimentaires apportant < 400 μg/jour.


À 400 μg/jour, le 5‐MTHF s'est avéré plus biodisponible que l'acide folique et un facteur de conversion de 2 est proposé pour ce niveau d'apport et pour des apports plus élevés.


En d'autres termes :

  • si vous apportez, 200 μg de 5‐MTHF, cela correspond à 340 μg EFA ;

  • si vous apportez 400 μg de 5‐MTHF, cela correspond à 800 μg EFA ;

  • si vous apportez 600 μg de 5‐MTHF, cela correspond à 1200 μg EFA.


Et l'EFSA de préciser que "des études chez les nourrissons, les enfants, les femmes enceintes et allaitantes, les personnes âgées ainsi que les personnes atteintes de polymorphismes génétiques affectant le métabolisme à un carbone ajouteraient également de la précision au facteur de conversion DFE".


À ce jour, il n'est pas fait mention d'établir un niveau d'apport supérieur tolérable (UL) ou des limites supérieures de sécurité (LSS) pour les formes méthylfolates.


Souvent assimilées dans les discours commerciaux à des formes nutraceutiques de "folates alimentaires", pour lesquels d'ailleurs n'existe pas de LSS, nous avons cependant vu que leur pharmacocinétique était profondément distincte.


Je rappelle ici que les études de toxicité sont essentiellement fondées sur les risques cancérogènes, génotoxiques, embryotoxiques voire neurotoxiques des folates à des doses très élevées (au delà de 5000 μg, la limite pour l'acide folique ayant essentiellement été établie sur le risque de masquer le déficit en vitamine B12) (11).


Néanmoins, les techniques d'évaluation des risques sont actuellement en pleine mutation en tenant compte de données intégrées au regard de risques développementaux sur des populations vulnérables notamment en matière d'épigénétique et de neurodéveloppement.


Études des mécanismes des effets secondaires des folates et application au principe de précaution en périnatalité


Sans m'avancer sur le potentiel impact dans la reprogrammation épigénétique précoce d'une supplémentation inadéquate en folates, d'un point de vue clinique, l'acide folique et les 5-méthylfolates sont une cause fréquente d'effets indésirables d'ordre neurobiologique dont :

  • Maux de tête

  • Insomnie

  • Anxiété

  • Agitation, manie, agressivité

  • Palpitations cardiaques


Rappelons que le dispositif Nutrivigilance a pour objectif d'améliorer la sécurité des consommateurs en identifiant rapidement d'éventuels effets indésirables liés à la consommation de certains aliments et compléments alimentaires (12).


Les retours sur les effets secondaires des formes de dernières générations sont extrêmement fréquents mais, sans remontée de la par des professionnels de santé, tels que les médecins, pharmaciens, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes mais aussi les diététiciens, les fabricants ou distributeurs, il est impossible de quantifier ce ressenti.


Voici quelques éléments mécanistiques de compréhension qui soulèvent des questions au delà de l'inconfort ressenti.



Augmentation du pool de glutamate libre


En plus d’une sensibilité individuelle au glutamate (en particulier chez les personnes souffrant de TSA), plus la dose de folates est élevée et/ou la proportion de formes physiologiquement actives susceptibles de traverser la BHE importante, plus la propension à manifester des effets secondaires augmente.


Rappelons également que les formes physiologiquement actives de folates traversent non seulement la barrière placentaire mais passent dans le lait maternel.


Principalement en cause, l’augmentation du pool de glutamate libre par :

  • Augmentation proportionnellement directe par augmentation du résidu glutamate libéré ;

  • Augmentation indirecte du pool de glutamate par libération secondaire à l’activation des cellules microgliales par les formes actives de folates traversant la BHE.

  • De plus, le folate (sous forme de tétrahydrofolate) est un cofacteur dans la conversion de l'acide aminé histidine en acide glutamique (le composé FIGLU formiminoglutamate est l'intermédiaire dans cette réaction parfois utilisé d'ailleurs comme marqueur du statut nutritionnel en folates) (13).


En plus des effets induits par le pool accru de glutamate au cerveau (agitation, maux de tête, nausées, palpitations), la surstimulation des récepteurs à glutamate, tels que le NMDA, peut provoquer un afflux massif d'ions calcium dans les cellules, entraînant des dommages aux cellules neuronales et la mort cellulaire : il s’agit du phénomène bien étudié d’excitotoxicité.


Quid de ces impacts sur le neurodéveloppement ?


Autres mécanismes neurologiques des folates et de leurs résidus


Le folate est connu pour augmenter l'activité d'un cofacteur connu sous de bioptérine.


La bioptérine est un composé organique intervenant dans le métabolisme, essentiellement sous la forme de deux cofacteurs :

  • La dihydrobioptérine (BH2),

  • Et la tétrahydrobioptérine (BH4).

La première intervient dans la synthèse de la L-DOPA, de la dopamine, de la sérotonine, de la noradrénaline, de l'adrénaline et de la guanosine dans le foie et dans le rein.


Tandis que la seconde intervient dans la production du monoxyde d'azote et dans la conversion de la phénylalanine en tyrosine grâce à la phénylalanine-4-hydroxylase, la conversion de la tyrosine en lévodopa sous l'effet de la tyrosine hydroxylase, et la conversion du tryptophane en 5-hydroxytryptophane via la tryptophane hydroxylase.


Enfin, mécaniquement, une excès d'apports en folates actifs augmente le statut en résidus benzoate et métabolites hippurate.


Certains des symptômes indésirables du folate peuvent être liés à l'augmentation de ces molécules neuroactives en fonction des sensibilités individuelles (agitation, maux de tête etc.).


Ils questionnent à nouveau sur leur impact dans une utilisation inadéquate (teneur des compléments alimentaires en 5-MTHF, période de supplémentation au delà de la période recommandée, véritable statut initial en folates), sans réponse quant aux effets sur le neurodéveloppement du futur enfant.


 

Vous souhaitez aller plus loin ?


Vous trouverez d'autres articles proposés sous celui-ci pour continuer à vous renseigner sur le sujet.


Et si vous souhaitez approfondir vos connaissances et développer vos compétences dans l'accompagnement en périnatalité, nous vous recommandons particulièrement ces 2 modules de formation :


▶️ Évaluation des risques



Réduisez l'exposition aux polluants environnementaux et alimentaires et développez la prévention nutrigénomique en périnatalité


▶️ Besoins nutritionnels et de supplémentation



Accompagnez vos patientes enceintes et allaitantes ainsi que les jeunes enfants (0-3 ans)


 

POINTS À RETENIR SUR LES DOSES UTILISEES EN 5-MTHF POUR LA SUPPLÉMENTATION EN PÉRINATALITÉ


  • Pour la plupart des jeunes femmes en âge de concevoir, une supplémentation en acide folique à raison de 400 μg/jour durant la période de préconception (au moins 4 semaines avant) et jusqu'à la 12ième semaine (au moins jusqu'à la 8ième) est recommandée afin de couvrir les besoins en folates de cette période (soit 600 μg / jour equivalent folates alimentaires EFA). Un facteur de conversion de l'acide folique en EFA de 1.7 est appliqué.

  • La supplémentation en acide folique est relativement sécure en deçà de 400 µg/jour mais peut se révéler insuffisante en périnatalité pour des profils à risque (antécédents d’ATN, chirurgie bariatrique, homozygote MTHFR). Dans ces cas un avis médical sera recommandé afin d'estimer le rapport bénéfice/risque de dépassement de la limite supérieure de sécurité d'acide folique, à savoir 1000 μg / jour.

  • Il est possible d'optimiser l'efficacité de la supplémentation en acide folique en veillant aux apports en NAD et en cystéine (activité de la DHFR).

  • La supplémentation des formes 5-MTHF est applicable en périnatalité en tenant compte des déficits préconceptionnels, des besoins différentiels selon les périodes (maximum de la préconception à la 12ième semaine), et de leurs paramètres pharmacocinétiques (physiologiquement actives, hautement assimilables car dénués d'effet matrice, elles franchissent rapidement la barrière hémato-encéphalique y compris du foetus).

  • Un avis scientifique de l'EFSA propose un facteur de conversion en équivalent folates alimentaires (EFA) de 1.7 en dessous de 400 μg / jour et un facteur de conversion en EFA de 2 à partir de 400 μg / jour pour les teneurs appliquées dans les compléments alimentaires.

  • De nombreux effets secondaires d'ordre neurologique sont associés à la prise de folates, particulièrement en ce qui concerne les dernières générations de compléments. Les mécanismes impliqués renforcent un principe de précaution quant aux doses et périodes d'utilisation aux différents stades de la grossesse/allaitement.

  • Quelle que soit la forme de supplémentation en folates utilisée, il convient de vérifier le statut en vitamine B12 (systématiquement en cas de supplémentation en acide folique), en vitamines B2 et B6, zinc, glycine et sérine ainsi que l'apport en donneurs de méthyle (choline, bétaïne).



Marie-I. LODATO

Formatrice en Santé environnementale, Nutraceutiques et Plantes médicinales

Co-Responsable pédagogique Oreka Formation

Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative



1- ANSES. Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective. Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Mars 2021. 278p. Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2018SA0238Ra.pdf

2- EFSA NDA Panel (EFSA Panel on Nutrition, Novel Foods and Food Allergens), Turck, D, Bohn, T, Castenmiller, J, De Henauw, S, et al., 2022. Scientific Opinion on the conversion of calcium-L-methylfolate and (6S)-5-methyltetrahydrofolic acid glucosamine salt into dietary folate equivalents. EFSA Journal 2022; 20( 8):7452, 56 pp. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2022.7452

3- EFSA Journal 2013;11(10):3358.

4- Ebara S. Nutritional role of folate. Congenit Anom (Kyoto). 2017 Sep;57(5):138-141. doi: 10.1111/cga.12233.

5- Bestwick JP, Huttly WJ, Morris JK, Wald NJ. Prevention of neural tube defects: a cross-sectional study of the uptake of folic acid supplementation in nearly half a million women. PLoS One. 2014 Feb 19;9(2):e89354. doi: 10.1371/journal.pone.0089354.

6- https://ods.od.nih.gov/factsheets/Folate-HealthProfessional/

7- EFSA NDA Panel (EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies), 2014. Scientific Opinion on Dietary Reference Values for folate. EFSA Journal 2014; 12( 11):3893, 59 pp. doi:10.2903/j.efsa.2014.3893.

8- Wilcken B, Bamforth F, Li Z, Zhu H, et al. Geographical and ethnic variation of the 677C>T allele of 5,10 methylenetetrahydrofolate reductase (MTHFR) : findings from over 7000 newborns from 16 areas world wide. J Med Genet. 2003 Aug;40(8):619-25. doi: 10.1136/jmg.40.8.619.

9- Visentin M, Diop-Bove N, Zhao R, Goldman ID. The intestinal absorption of folates. Annu Rev Physiol. 2014;76:251-74. doi: 10.1146/annurev-physiol-020911-153251.

10- Miraglia N, Agostinetto M, Bianchi D, Valoti E. Enhanced oral bioavailability of a novel folate salt: comparison with folic acid and a calcium folate salt in a pharmacokinetic study in rats. Minerva Ginecol. 2016 Apr;68(2):99-105.

11- K.E. Niederberger, I. Dahms, T.H. Broschard, R. Boehni, R. Moser. Safety evaluation of calcium L-methylfolate, Toxicology Reports, 2019 ; 6 :1018-1030. Doi :10.1016/j.toxrep.2019.09.012.

12- https://www.nutrivigilance-anses.fr/nutri#!

13- Cooperman JM1, Lopez R. Le rôle de l'histidine dans l'anémie par carence en folate. Exp Biol Med (Maywood). Décembre 2002;227(11):998-1000.

14- Mark LP, Prost RW, Ulmer JL, Smith MM, Daniels DL, Strottmann JM, Brown WD, Hacein-Bey L. Pictorial review of glutamate excitotoxicity: fundamental concepts for neuroimaging. AJNR Am J Neuroradiol. 2001 Nov-Dec;22(10):1813-24.

15- Strickland KC, Krupenko NI, Krupenko SA. Molecular mechanisms underlying the potentially adverse effects of folate. Clin Chem Lab Med. 2013 Mar 1;51(3):607-16. doi: 10.1515/cclm-2012-0561.




3 548 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page