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COVID-19 et Thyroïde

Dernière mise à jour : 10 août 2022

Découvrez l'impact du coronavirus sur la fonction thyroïdienne

Jeune femme faisant contrôler sa thyroïde suite au COVID

L’onde de choc causée par la maladie infectieuse à coronavirus 2019 (COVID-19) due au virus SARS-CoV-2, bien qu’amortie, continue de toucher, d’une façon ou d’une autre, nombre de personnes.


Outre le coût humain (6.345.595 décès au niveau mondial selon les derniers chiffres de l’OMS et 146.563 pour la France), financier et social de cette crise sanitaire, les conséquences pour la santé de certains patients est encore d’actualité.


Même si la majorité des personnes atteintes de la COVID-19 n’ont fait état que de symptômes bénins ou modérés, on savait déjà que les effets du SARS-CoV-2 et ses variants s'étendaient au-delà du système respiratoire et pouvaient donner lieu à des COVID-long chez environ 10% des patients.


Parmi ces formes longues, il existe maintenant un plus grand nombre de recherches décrivant les effets de la COVID-19 sur la fonction endocrinienne hypophysaire, thyroïdienne, surrénalienne, gonadique et pancréatique.


D’ailleurs, le COVID long, caractérisé par de la fatigue, des myalgies, et un « brouillard cérébral », présentait déjà de nombreuses similitudes avec un tableau clinique de dysfonctionnements thyroïdiens sur lesquels je voudrais revenir à travers cet article.


L’objectif principal est de mettre à disposition des professionnels et praticiens de santé les informations, à ce jour disponibles, sur les liens entre COVID-19 et l'apparition de troubles endocriniens thyroïdiens post-infectieux et dans une moindre mesure, post-vaccinaux.


 

SOMMAIRE






 

QUELS LIENS ENTRE LA COVID-19 ET LE SYSTEME ENDOCRINIEN ?


Infection par le SARS-CoV-2 : une mécanique de pointe


Afin d’infecter ses cellules hôtes, le SARS-CoV-2 utilise majoritairement un récepteur cellulaire correspondant à une metalloprotéase : l’enzyme de conversion de l'angiotensine 2 ACE2.


Connue dans la régulation du SRAA (Système Rénine Angiotensine Aldostérone), elle permet la dégradation de l’angiotensine II en angiotensine 1-7, agent protecteur en termes de vasodilation, de la réduction de l'inflammation et de la fibrose.

À ses fins de liaison à l'ACE2, le virus dispose d'une glycoprotéine de pointe, ou protéine Spike ou proteine S, composée de sous-unités S1 et S2.


Lors de la liaison à l'ACE2, la sous-unité S1 est dissociée du récepteur ACE2, dans un processus qui nécessite la présence de sérine protéase transmembranaire 2 (TMPRSS2).


Cette dissociation induit un changement conformationnel qui augmente la stabilité de la sous-unité S2, permettant la fusion membranaire et l’entrée du virus dans les cellules hôtes (1).


À noter que TMPRSS2 est régulé par les androgènes. La privation ou l'antagonisme des androgènes atténuent tous deux l'entrée cellulaire médiée par la protéine S du SRAS-CoV-2 in vitro (2).


ACE 2 et TMPRSS2 se trouvent donc présents chez l’homme comme chez la femme mais à des concentrations différentes. Ceci pourrait expliquer le risque accru de décès chez l’homme (54% d’hommes versus 46% de femmes).


Distribution tissulaire des récepteurs ACE2


En termes de distribution, l'endothélium vasculaire a une expression élevée des récepteurs ACE2, ce qui le rend vulnérable aux dommages lors de l'infection au COVID-19. Son rôle nourricier de nombreux organes, associé à l'état inflammatoire après COVID-19 ainsi qu'une hypercoagulabilité réactionnelle participent à la généralisation systémique des complications post-covid (3).


Ainsi, outre l’atteinte pulmonaire, cette interaction virus/ACE2 entraîne une atteinte de plusieurs organes, y compris les systèmes cardiovasculaire, gastro-intestinal, nerveux et endocrinien.


Dans ce dernier cas, l’atteinte systémique indirecte médiée par la dysfonction de l’endothélium vasculaire ne semble pas l’unique origine des troubles associés.


En effet, il a été constaté que les glandes endocrines telles que le pancréas, l'hypothalamus, l'hypophyse, la thyroïde, les glandes surrénales, les testicules et les ovaires expriment l'ACE2 et la TMPRSS2, avec la concentration la plus élevée dans les testicules, suivie de la thyroïde et la plus faible dans l'hypothalamus (4).


Une atteinte directe de ces glandes endocrines a pu être envisagée comme complication post-infectieuse et dans certains cas plus rares, post-vaccinale.


Les études fournissent de plus en plus de preuves que le système endocrinien est particulièrement sensible au COVID-19 à la fois sur le plan de son intégrité physique que fonctionnelle.



INFECTION A SARS-CoV-2 et FONCTION THYROIDIENNE : DES EFFETS PERSISTANTS


Contexte des atteintes de la fonction thyroïdienne suite au COVID-19


Selon certaines études, lorsque la fonction thyroïdienne a été étudiée chez des patients atteints de COVID-19 pendant une période de suivi de 3 mois après le diagnostic, 64 % se sont avérés avoir une fonction thyroïdienne anormale (5).


Au début de la pandémie, plusieurs cas de thyroïdite subaiguë ont été signalés. Parmi les patients admis en unité de traitement intensif, ceux atteints de COVID-19 étaient plus susceptibles d'avoir une thyrotoxicose (6).


À ce jour, plusieurs études (7) rapportent une thyroïdite subaiguë associée à la COVID-19.


Certaines études ont constaté une prévalence plus élevée de thyrotoxicose (15,3 %) chez les patients COVID-19, contre seulement 1,3 % dans le groupe témoin.


Une étude rétrospective a examiné la fonction thyroïdienne chez 287 patients non critiques hospitalisés pour COVID-19, dont 20,2 % avaient une thyrotoxicose et 5,2 % présentaient une hypothyroïdie.


Par ailleurs, indépendamment des autres concentrations sériques, des taux de T3 libre ont été documentés comme significativement plus faibles chez les personnes atteintes de COVID-19.


Enfin, les auteurs ont conclu que le COVID-19 pourrait être un déclencheur de nouveaux cas ou de rechutes de la maladie de Basedow.


Les patients inclus dans les différentes études, avaient une tranche d'âge de 18 à 68 ans, dont une part notable étaient des femmes d'origine italienne.


Outre les cas observés initialement liés aux hospitalisations, la majorité des patients présentant des complications thyroïdiennes, ne présentait pas de symptôme grave d'infection au COVID-19 ; hormis une légère fièvre et de légers symptômes des voies respiratoires supérieures, ils ne présentaient aucun trouble nécessitant de traitement en soins intensifs.


Le délai entre le diagnostic de COVID-19 et les symptômes typiques de la thyroïdite variait selon les observations de 5 à 42 jours ou de 16 à 36 jours après la résolution de l'infection au COVID-19 (8).



Nature des dysfonctionnements thyroïdiens induits par le COVID-19

  • Hypothyroïdie centrale

Le dysfonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophyso-thyroïdien pourrait être une cause des cas de diminution des taux de TRH et de TSH. Bien que le récepteur ACE2 soit présents dans l'hypophyse normale, il ne s'agit pas d'une région de forte expression de l'ARNm ou de la protéine ACE2.


Néanmoins, certaines autopsies ont démontré une réduction du nombre de cellules somatotropes, thyrotropes et corticotropes. Bien que des dommages directs à l'hypophyse par le SRAS-CoV-2 n'aient pas été démontrés, des rapports cliniques suggèrent qu'il pourrait y avoir une certaine perturbation du fonctionnement de l'hypophyse.


Ainsi, une hypothyroïdie centrale a été observée chez 4,9 % des patients 3 à 6 mois après le COVID-19 (9).


À noter également, que le COVID-19 pouvant affecter l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, des conséquences indirectes sur la fonction thyroïdienne sont à envisager.

  • Thyroïdite subaiguë / thyrotoxicose classique et atypique

La thyrotoxicose est définie comme une élévation des concentrations sériques en hormones thyroïdiennes libres. La description de cas de thyrotoxicose associée à des thyroïdites subaiguës suite à une maladie virale est déjà connue, bien que rare.


Elle se présente généralement avec une glande thyroïde douloureuse et sensible ainsi que des symptômes classiques liés à l'état d’imprégnation hyperthyroïdien tels que des palpitations, des tremblements, une asthénie, de la nervosité et une perte de poids.


Biologiquement elle se définie par une TSH < 0,28 mU/L et/ou fT4 > 21,9 pmol/L.


Les patients atteints de COVID-19 ont pu présenter les symptômes de la thyroïdite subaiguë / thyrotoxicose tels que des douleurs cervicales antérieures, de la fatigue, des tremblements, de la transpiration et des palpitations.


Beaucoup de ces patients atteints de thyroïdite subaiguë présentaient des schémas échographiques classiques spécifiques.


Nénamoins, un nombre important de patients (20,2 %) hospitalisés pour COVID-19 présentaient une thyrotoxicose atypique ou silencieuse à savoir indolore (absence de douleur au cou).


Par ailleurs, plutôt qu'une lymphocytose habituellement retrouvée, la lymphopénie caractéristique associée au COVID-19 a été signalée dans ce type de schéma (10).


Autre fait marquant relevé, la thyrotoxicose était liée aux niveaux élevés d'IL-6, et dans la plupart des suivis, les auto-anticorps thyroïdiens étaient négatifs.


Pour aller plus loin :


En dehors des récepteurs ACE2, le SARS-CoV-2 pourrait également utiliser d’autres récepteurs cellulaires de la protéine S pour infecter les cellules n’exprimant pas ACE2 ; les chercheurs ont étudié ce phénomène in vitro, notamment sur les cellules immunitaires tels que les lymphocytes T. Ces derniers pourraient être conduits par le virus à une mort programmée de la cellule ou apoptose de cette lignée.


L’Inserm confirmait que parmi des patients hospitalisés, 60 % d’entre eux présentent une lymphopénie, c’est-à-dire que le nombre de lymphocytes T CD4 dans leur sang est inférieur aux valeurs normales (11).

  • Syndrome de T3 basse ou Syndrome de maladie non thyroïdienne NTIS

Parmi les manifestations thyroïdiennes dues au COVID-19, indépendamment d’un hypofonctionnement thyroïdien également décrit, on retrouve le syndrome de T3 basse ou syndrome de maladie non thyroïdienne (NTIS).


Il se caractérise par une réduction initiale de la T3 totale et de la fT3, avec une augmentation de la T3 inverse mais sans augmentation concomitante de la TSH.


Cliniquement, cela correspond aux signes d'hypoimprégnation en hormones thyroïdiennes, comme la fatigue, la frilosité, le ralentissement cognitif, les douleurs musculaires, la perte de cheveux etc.


Ainsi dans une étude prospective de 367 patients atteints de COVID-19 léger à modéré 7,4 % avaient un NTIS et 8,2 % avaient des tests de la fonction thyroïdienne compatibles avec différents stades de la thyroïdite (12).


Dans ce cas, il faut également tenir compte du fait que l'évaluation de la fonction thyroïdienne chez les patients COVID-19 peut être influencée par un certain nombre de médicaments.

  • Maladie de Basedow

En plus de la thyroïdite subaiguë, des rapports de cas ont été publiés sur la thyrotoxicose de Graves chez des patients atteints de COVID-19, dont certain n'avait aucun antécédent antérieur de maladie thyroïdienne auto-immune.

Il a été avancé que les cytokines induit par le SRAS-CoV-2 en font un déclencheur particulier ou réactivateur de la maladie de Basedow (13).



Évolution des troubles thyroïdiens


La plupart des études d’observation, notamment pour une cohorte de 70 patients du COVID-19, ont rapporté que, les tests de la fonction thyroïdienne sont revenus à la normale 3 à 6 mois après l'infection au COVID-19, sans altération des valeurs de TSH, fT4 ou fT3.


Dans les cas d’hypothyroïdie centrale, la majorité des patients revenaient à l'euthyroïdie 9 mois après l'infection.


Il est important de noter que les paramètres de la dysfonction thyroïdienne n'étaient pas associés à la gravité de l’infection virale lors de la présentation ni même aux marqueurs d'inflammation.


Pour aller plus loin :


La thyroïdite subaiguë est une affection spontanément résolutive.

Et il est important de la reconnaître car aucun traitement spécifique de la thyroïde (médicaments antithyroïdiens ou substitution en hormones thyroïdiennes) n'est nécessaire pour la plupart des patients selon la Society for Endocrinology (SfE).


Elle suit généralement une évolution clinique triphasique de thyrotoxicose, d'hypothyroïdie et de retour à une fonction thyroïdienne normale.


Néanmoins, ce schéma est variable d’un individu à l’autre en fonction des autres facteurs d’entretien et/ou d’amplification de la thyroïdite à savoir :

  • L’état hormonal (pour les femmes, post-partum, ménopause), ou encore l'état de la fonction surrénalienne comme évoqué plus haut,

  • Les facteurs environnementaux physico-chimiques (exposition aux polluants anti-thyroïdiens),

  • Et nutritionnels (déficit en iode, sélénium, typologie alimentaire restrictive ou au contraire riche en aliments goitrigènes).

Médicalement, dans certains cas, un soulagement symptomatique a été obtenu avec des agents anti-inflammatoires non stéroïdiens, tandis que les stéroïdes ont été réservés aux cas plus graves. Les bêta-bloquants peuvent également être utilisés pour le traitement symptomatique de la phase thyréotoxique.


À noter que les patients COVID-19 atteints de thyrotoxicose présentent un risque accru de fibrillation auriculaire et d'événements thromboemboliques ce qui constitue une raison supplémentaire d'informer les patients qui pourront consulter à temps leur généraliste ou cardiologue.


En résumé, pour une proportion de patients atteints de COVID-19 souvent génétiquement prédisposés, la fonction thyroïdienne peut être perturbée (14).

On notera parmi les troubles les plus documentés :

  • Des signes cliniques et biologiques d'hyperimprégnation hormonale (TSH basse et T4L élevée) liés à une thyroïdite subaiguë avec thyrotoxicose classique ou pouvant se présenter de manière atypique (thyroïdite indolore, lymphopénie), les taux d'IL-6 sont élevés, les taux d'anticorps normaux.

  • Des signes fonctionnels et biologiques liés à un syndrome de T3 basse, avec ou non interaction médicamenteuse par un traitement aux glucocorticoïdes sur la conversion de T4 en T3,

  • Le déclenchement ou la réactivation d'une maladie auto-immune de Basedow.


MECANISMES PATHOGENIQUES EN CAUSES


La pathogenèse du dysfonctionnement thyroïdien après COVID-19 n'est pas complètement comprise mais plusieurs hypothèses cumulatives sur la base d’une prédisposition génétique individuelle sont avancées.


La thyroïdite subaiguë ferait suite à un effet direct du virus sur les cellules folliculaires ou à une réponse inflammatoire post-virale.


Une hypothèse est l'influence directe du SRAS-CoV-2 sur la glande thyroïde.


Des résultats échographiques d'inflammation de la thyroïde ont été observés chez des patients atteints de thyroïdite subaiguë classique ou atypique après COVID-19.


En raison d'une forte expression de l'ACE2 dans le tissu thyroïdien, un rôle de dommage direct par le SRAS-CoV2 sur la glande thyroïde est possible.


Les dommages à la thyroïde peuvent également être indirects.


Causés par des mécanismes immunitaires, tels que la tempête de cytokines en particulier les IL-6 ou d’une une réponse inflammatoire post-virale à médiation immunitaire systémique (15).


La diminution de la conversion de T4 en T3 ou syndrome de maladie non thyroïdienne NTIS retrouvé dans l’infection au SRAS-CoV-2 ne semble pas spécifique à ce dernier et trouverait son origine dans l’effet des niveaux élevés d’IL-6 plus ou secondée par l'effet des médicaments employés.


Pour aller plus loin :


La conversion de T4 en T3 est catalysée par les désiodases de type 1 (D1) et de type 2 (D2) via la désiodation du cycle externe.


En revanche, la désiodiase de type 3 (D3) catalyse l'inactivation de la T4 et de la T3.


L'augmentation des cytokines inflammatoires ainsi que le stress oxydatif dû à la génération accrue d'espèces réactives de l'oxygène (ROS) sont caractéristiques de nombreuses maladies associées au NTIS.


Ainsi les niveaux élevés d’IL-6 (retrouvés chez la plupart des patients COVID-19) pourraient conduire à la formation de superoxyde intracellulaire et au stress oxydatif auto-alimenté par l'épuisement du cofacteur thiol et la baisse d’activité des enzymes antioxydantes endogènes GPX et TXN.


Une fonction altérée de D1 et D2 secondaire à une diminution des concentrations de thiol intracellulaire entraîne une diminution de la conversion de T4 en T3, tandis qu'une augmentation de l'activité de D3 augmente l'inactivation de T3 (16).


De plus, les médicaments utilisés pour la gestion du COVID-19 peuvent potentiellement affecter la fonction thyroïdienne.

  • Les glucocorticoïdes pourraient affecter les taux sériques de TSH, principalement en inhibant la sécrétion de l'hormone de libération de la thyrotropine dans l'hypothalamus ou en supprimant la libération de TSH dans les cellules thyréotropes hypophysaires ainsi que la conversion périphérique de T4 en T3, fournissant un mécanisme supplémentaire pour le dysfonctionnement thyroïdien.

  • L'héparine est indiquée aux patients hospitalisés COVID-19 pour la prévention des événements thromboemboliques. Et on sait qu'elle interfère avec la mesure de l'hormone thyroïdienne libre sérique en provoquant un déplacement de la T4 totale (TT4) de la globuline de liaison à la thyroïde (TBG), entraînant ainsi une augmentation de l'erreur de mesure de la fT4.


Jeune femme en train de se faire vacciner contre la COVID

VACCINATION ET DYSFONCTIONNEMENTS ENDOCRINIENS


Les cas signalés (17, 18, 19, 20)



Un petit nombre de cas de thyroïdite subaiguë suite à la vaccination contre le SRAS-CoV-2 ont été signalés ainsi que des diagnostics de maladie de Basedow.

  • Les cas de thyroïdite subaiguë ont été signalés à la suite de 4 vaccins différents contre le SRAS-CoV-2 après la première ou deuxième dose (CoronaVac et ceux des laboratoires Pfizer-BioNTech, Moderna, AstraZeneca).

  • Les diagnostics de maladie de Basedow sur la base de faibles taux de TSH, de taux élevés d'hormones thyroïdiennes et d'anticorps anti-thyroïdiens élevés après la vaccination contre le COVID-19, ont eu lieu après un vaccin Pfizer-BioNtech.

À l’évocation des cas de pharmacovigilance, la Society for Endocrinology (SfE) a recueilli un certain nombre d’informations sur les thyroïdites subaiguës survenant chez des individus dans les 28 jours suivant l'administration d'un vaccin COVID-19.

  • Les symptômes apparaissaient en moyenne 14,5 jours après la vaccination (variable de 1 à 28 jours).

  • Lors de la présentation, la fT4 médiane était de 1,35 fois la limite supérieure de la normale (29,6 pmol/L,n  = 12 ; RR 12–22).

  • La CRP médiane était de 60 mg/L (RR 0–5, n = 9) et la VS médiane de 52 mm/h (RR 1–15, n = 7).

  • Les détails des cas individuels, lorsqu'ils étaient fournis, allaient de maladies bénignes spontanément résolutives à celles présentant des symptômes graves nécessitant un traitement aux glucocorticoïdes (21).

Le nombre de cas recueilli peut paraître faible au regard des milliards de doses de vaccin COVID-19 administrées à ce jour mais la prise en considération de la parole des patients, puis l’établissement d’une exploration adéquate sont deux paliers parfois difficiles à franchir qui pourraient faire penser à une sous-évaluation des cas.


Bien loin de déconseiller le vaccin contre la COVID-19, en cas de prise en charge de patients thyrotoxiques, la SfE alerte sur la sensibilisation des professionnels de santé sur la connaissance de ces séquelles vaccinales potentielles. À savoir, le risque accru de thyrotoxicose suite à la vaccination contre la COVID-19.


Au niveau français, outre les démarches de pharmacovigilance classiques, le ministère chargé de la santé a mis à disposition un portail de signalement des événements sanitaires indésirables accessibles aux particuliers comme aux professionnels (22).


L’ANSM invite d’ailleurs les femmes concernées par des troubles menstruels après la vaccination contre la COVID-19 à faire une déclaration à travers le portail dédié du ministère chargé de la santé (23).

Les hypothèses retenues


Le principal mécanisme sous-jacent retenu par les scientifiques pour les thyroïdites subaiguës, comme pour les maladies de Basedow, serait un syndrome auto-immun/inflammatoire post-vaccinal induit par les adjuvants (syndrome ASIA).


Le syndrome auto-immun/inflammatoire induit par les adjuvants (ASIA) a été décrit pour la première fois par Shoenfeld et Agmon-Levin en 2011 comme une entité qui intègre diverses conditions auto-immunes induites par l'exposition à divers adjuvants. Un adjuvant est une substance immunologique ou pharmacologique ou un groupe de substances qui peut être ajouté à un agent donné pour améliorer son efficacité et sa puissance (24).


Pour aller plus loin :


Les adjuvants sont généralement bien tolérés, mais chez des sujets sensibles ou prédisposés, génétiquement (HLA), hormonalement (dans les cas rapportés, plusieurs concernaient des femmes en période d’allaitement), ou encore nutritionnellement (immunosénescence), ils peuvent contribuer au déclenchement d’une réponse auto-immune.


Les mécanismes d’activation d’une réponse auto-immune sont nombreux et encore discutés dans le cas de la COVID-19 : activation polyclonale des lymphocytes B, effets sur l'immunité cellulaire, et majoration du mimétisme moléculaire.


Le vaccin COVID-19 de Pfizer-BioNTech est un vaccin à base d'ARNm utilisant des nanoparticules lipidiques pour faciliter le transport de l'ARNm dans les cellules. Ce vaccin contient un certain nombre d'excipients et de lipides, dont l'un à base de polyéthylène glycol (PEG).


Le PEG peut agir comme adjuvant et induire une réponse immunitaire inadaptée, inflammatoire ou auto-immune, chez les individus prédisposés.


Le mécanisme exact de la thyroïdite subaiguë post-vaccinale reste cependant inconnu et des cas ont également été signalés avec des vaccins ne contenant pas de PEG (25).


D’autres explications ont été avancées telles que (26, 27) :

  • La liaison et l'endocytose de la protéine de pointe S1 générée par le vaccin au niveau de la membrane ACE2, exprimée à la surface des cellules thyroïdiennes, provoqueraient des lésions virales directes entraînant une thyroïdite.

  • Une réactivité croisée des protéines du SRAS-CoV-2 avec les tissus humains. En étudiant la réaction entre l'anticorps de protéine de pointe SARS-CoV-2 et les protéines tissulaires, les chercheurs ont observé des réactions relativement fortes avec plusieurs antigènes dont ceux de la thyroperoxydase (TPO) et des mitochondries !


CONCLUSION


La généralisation de la signalisation et de la compréhension des troubles thyroïdiens suite au COVID-19 post-infectieux et dans une moindre mesure post-vaccinal, permettrait :


Pour les prescripteurs,


D’établir un diagnostic et d’adapter la prise en charge sans systématiser le recours à des anti-thyroïdiens ou hormones de substitution, comme le préconise la SfE. La thyroïdite étant résolutive dans la plupart des cas.


Pour les professionnels et praticiens de santé formés à la la NFA,


D’adapter (à la lumière d’un diagnostic correctement établi), la prise en charge des facteurs d’entretien et/ou d’amplification des troubles thyroïdiens afin de favoriser l’évolution de la thyroïdite :

  • Facteurs environnementaux : réduction des expositions aux perturbateurs endocriniens, métaux lourds,

  • Facteurs nutritionnels : réduction des déficits et erreurs alimentaires,

  • Facteurs fonctionnels : contexte hormonal et émotionnel.

Dans certains cas une prise en charge fonctionnelle en accord avec tout suivi médical engagé pourra être proposée à visée de modulation immunitaire de la thyroïdite ou de confort vis-à-vis des symptômes liés à la thyrotoxicose.


Pour les personnes atteintes par ces troubles thyroïdiens,


De relativiser l’état corollaire d’incompréhension, voire de stress, que ces troubles peuvent provoquer en explicitant leur caractère résolutif (après confirmation médicale et exclusion des principales complications potentielles à savoir la fibrillation ou une thromboembolie).



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Marie-I. LODATO

Formatrice en Santé environnementale, Nutrigénomique et Sciences des plantes médicinales

Co-Responsable pédagogique Oreka Formation

Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative




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