Que dit l’ANSES sur les dangers du curcuma pour le foie ?
En mai 2022, un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), suivi d’un article dans son bulletin de vigilance de juin 2022, font état de l’intention de l’instance sanitaire d’entreprendre une expertise approfondie sur des cas d’hépatites associées à la prise de curcuma sous forme de complément alimentaire.
En effet, on retrouve sur le marché français de nombreux compléments alimentaires contenant du curcuma ou sa molécule active, la curcumine sous forme de poudre de rhizome ou de gélules.
En cinq ans, plus de 1 600 produits contenant du curcuma ou de la curcumine ont fait l’objet d’une notification auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en vue d’une commercialisation sur le marché français.
Les bienfaits du curcuma
Le curcuma est une plante herbacée très largement utilisée dans nos cuisines comme épice de couleur jaune, qui peut également se consommer frais sous forme râpée, ou en complément alimentaire par exemple.
Elle possède notamment de nombreuses propriétés thérapeutiques :
Anti-inflammatoire
Antioxydant
Soulage les troubles digestifs, etc.
Curcuma et effets indésirables : Les différents cas rapportés
15 cas d’effets indésirables hépatiques susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine ont été rapportés et analysés par l’Anses depuis la mise en place du dispositif de nutrivigilance en 2009. Dans l’un de ces cas, le pronostic vital du consommateur était menacé.
Environ 20 cas d'hépatite concernant des compléments alimentaires au curcuma ont également été recensé en Italie, entre novembre 2018 et juin 2019.
Tous types confondus, 120 cas d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine ont été portés à la connaissance de l’Anses de janvier 2009 et août 2021. Parmi ces 120 cas, 67 étaient suffisamment documentés pour faire l’objet d’une analyse d’imputabilité.
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient majoritairement des :
Hépatites, pour lesquelles les transaminases (ASAT et ALAT), les phosphatases alcalines et la gGT sont augmentées,
Maux de tête,
Vertiges,
Troubles digestifs tels que diarrhées ou nausées.
L’imputabilité des compléments alimentaires consommés dans l’apparition de ces effets a été jugée « très vraisemblable » pour 1 cas, « vraisemblable » pour 31 cas, « possible » pour 24 cas et « douteuse » pour 10 cas.
La sévérité des effets indésirables était faible (sévérité de niveau 1) pour 28 cas et moyenne (sévérité de niveau 2) pour 25 cas.
15 présentaient une sévérité élevée (sévérité de niveau 3) dont 4 pour lesquels le pronostic vital était menacé (sévérité de niveau 3 avec menace du pronostic vital). Il s’agissait d’un œdème aigu du poumon, d’une récidive d’infarctus du myocarde et d’une hépatite mixte tous d’imputabilité « vraisemblable », et d’un arrêt cardio respiratoire d’imputabilité « possible ».
Aucun décès n’a été rapporté.
Focus sur les effets indésirables hépatiques
Données du système de nutrivigilance
Parmi les 120 cas déclarés au dispositif de nutrivigilance, 15 cas d’hépatite ont été identifiés.
L’imputabilité du complément alimentaire au curcuma consommé était « très vraisemblable » pour deux cas, « vraisemblable » pour sept, « possible » pour quatre et « douteuse » pour deux cas. Trois cas présentaient une sévérité élevée (sévérité de niveau 3) dont un où le pronostic vital était menacé (sévérité de niveau 3).
Les consommateurs étaient âgés de 22 à 74 ans avec un âge médian de 56 ans. Il s’agissait de femmes pour près de 75 % des cas. Les effets indésirables hépatiques étaient apparus dans un délai de trois jours à un an après le début de la consommation, avec un délai médian de deux mois.
Dans 12 cas, la personne avait pris au moins un autre complément alimentaire ou un médicament de manière concomitante.
Dans 14 cas, les compléments alimentaires impliqués étaient multi-ingrédients, c’est-à-dire que le curcuma ou la curcumine étaient associés à d’autres ingrédients. Parmi ces ingrédients, certains sont décrits comme hépatotoxiques tels que le thé vert, le Garcinia cambogia ou le cannelier de Chine. La dose de curcumine consommée était connue pour huit cas. Elle variait de 10 mg par jour à 1,2 g par jour avec une dose médiane de 186 mg par jour.
Quelle dose de curcuma peut-on consommer quotidiennement ?
La variable pour mesurer cette consommation est la dose journalière admissible (DJA).
Et cette DJA prend en compte tous les apports apports alimentaires, compléments alimentaires inclus.
Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), pour une consommation sans risque pour la santé, elle est fixée à :
180 mg de curcumine par jour pour un adulte de 60 kg.
Seulement, en France, la part apportée par les aliments reste très faible car l'exposition de la population a été mesurée à :
27 mg de curcumine pour les grands consommateurs de curcuma frais par exemple.
Par conséquent, selon l'ANSES, la part issue des compléments alimentaires à base de curcuma ne doit pas dépasser :
153 mg de curcumine par jour pour un adulte de 60 kg.
Mais, l’ANSES met en évidence que cette valeur n’est valable que pour les formulations classiques de compléments alimentaires à base de curcumine.
Compléments alimentaires au curcuma et formules à haute biodisponibilité
Or, dans son expertise, l’Agence a identifié un recours croissant à des formulations qui augmentent la biodisponibilité.
Les effets de la curcumine dans les compléments alimentaires augmentent en conséquence :
Par association avec d’autres ingrédients tels que la pipérine par exemple,
Pour des formes plus élaborées : complexe phytosomal, micelle, nanoparticules colloïdales, encapsulation par des cyclodextrines.
Donc, pour prévenir les intoxications, l’Anses recommande aux metteurs en marché de fournir les détails des données de biodisponibilité de leurs produits afin qu’une dose maximale d’apport journalier spécifique puisse être définie.
Données de la littérature
En plus de ces données de vigilance, huit cas d’hépatite impliquant la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ont été publiés dans la littérature :
Tous ces patients avaient guéri à l’arrêt de la consommation,
Seul un patient présentait un antécédent de maladie hépatique,
Tous prenaient un ou plusieurs médicaments en parallèle.
La dose de curcumine consommée était connue pour quatre cas et elle variait de 50 mg à 1 g par jour.
Consommation de curcuma : Conclusion et recommandations
Une hépatotoxicité liée à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma ou de la curcumine a donc été identifiée à la fois par le dispositif de nutrivigilance, par les signalements reçus et l’analyse de la littérature.
Mais aucun facteur de risque propre aux consommateurs n’a été mis en évidence.
En particulier, la majorité de ces consommateurs de curcuma n’avait pas d’antécédents hépatiques.
Aussi, à l’heure actuelle, aucune mise en garde particulière à l’attention des personnes ayant des antécédents d’atteinte hépatique n’est à formuler.
Ce constat nécessitera néanmoins d’être confirmé par une vigilance renforcée.
Les consommateurs de compléments alimentaires, les professionnels de santé et les metteurs sur le marché sont notamment appelés à mieux faire le lien entre la consommation de curcuma et la survenue de cette hépatite pour mettre rapidement fin à sa consommation.
Et vous êtes invités à faire la déclaration de ces effets indésirables auprès de la Nutrivigilance en cliquant ici :
Compléments alimentaires au curcuma : Qui doit éviter d'en consommer ?
Les personnes suivant un traitement médicamenteux sont incitées à prendre l’avis de leur médecin ou de leur pharmacien avant de consommer un complément alimentaire en général et, en particulier, s’il contient du curcuma ou de la curcumine.
En effet, il existe un risque lié aux interactions de la curcumine avec certains médicaments.
Donc, sans avis médical, l'utilisation de compléments alimentaires contenant du curcuma est déconseillée par l'ANSES pour les personnes traitées par les médicaments suivants :
Les anticoagulants,
Les anticancéreux,
Les immunosuppresseurs.
Enfin, compte tenu de ses propriétés sur la sécrétion de bile (propriétés cholérétiques), la consommation de curcuma est déconseillée aux personnes souffrant de maladie des voies biliaires.
En tant que professionnels de santé, vous avez donc un rôle majeur à jouer dans cet appel à la vigilance sur les compléments alimentaire à base de curcuma et les conséquences éventuelles de leur utilisation.
Et pour conseiller au mieux vos patients, et éviter ainsi les risques d'interaction médicamenteuse, il est important d'être formé avec une formation complète et indépendante.
Alors si vous souhaitez apprendre à sélectionner les meilleurs compléments alimentaires selon un référentiel de critères qualité, vous pouvez rejoindre notre formation sur la supplémentation.
Marie-I. LODATO
Formatrice en Santé environnementale, Nutrigénomique et Sciences des plantes médicinales
Co-Responsable pédagogique Oreka Formation
Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative
Anses. 2022. "Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’évaluation des risques liés à la consommation de compléments alimentaires contenant du curcuma (autosaisine 2019-SA0111) ". Maisons-Alfort : Anses, 177 p.
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