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Arthrose : la face cachée du syndrome métabolique

Photo du rédacteur: Marie LodatoMarie Lodato

Dernière mise à jour : 23 oct. 2023

Remise en question des options thérapeutiques de l'arthrose


En France, le nombre de personnes atteintes d'arthrose est estimé à environ 10 millions soit près de 16 % de la population.


Avec une augmentation de 48 % de 1990 à 2019, les autorités sanitaires estiment qu'en 2050 près de 600 millions de personnes seront atteintes d’arthrose à travers le monde (1).


En 2019, les arthroses de la hanche et du genou se classaient au 12e rang mondial des facteurs ayant contribué le plus aux années vécues avec un handicap, soit une augmentation de plus de 30 % depuis 20 ans.


Malgré l’impact médical y compris sur les comorbidités (maladies cardiovasculaires, santé mentale), et économique, l’arthrose reste la « laissée-pour-compte » des maladies non transmissibles et rhumatologiques chroniques :

  • Absence de plan stratégique au niveau mondial,

  • Bilan mitigé en termes de traitements médicamenteux,

  • Désintérêt parfois pour le sujet au sens littéral et figuré,


Les acteurs de la santé auraient-ils fait le tour de la question sur l’arthrose ?

Et l’arthrose est-elle bien cette dégénérescence non inflammatoire du cartilage, inéluctablement liée au vieillissement, comme on nous l'enseignait il y a une pincée de décennies en arrière ?


Heureusement, d’énormes progrès ont été réalisés durant la dernière décennie sur l'identification des facteurs de risque et des personnes à risque de progression de la maladie, ainsi que sur la compréhension de la pathogenèse de la maladie.


Exit donc l’arthrose, parlons désormais des arthroses classées en sous-types selon le facteur prédominant d’initiation et d’évolution de la pathologie.


Les études épidémiologiques ont en particulier mis en évidence le lien entre le syndrome métabolique et l'arthrose confirmant le rôle des facteurs nutritionnels dans la susceptibilité mais également l’amélioration de l'arthrose.


Je vous propose dans cet article un petit tour d'horizon de l'actualité scientifique sur l'arthrose et une discussion autour des options thérapeutiques.

 

SOMMAIRE




- Arthrose génétique et facteurs environnementaux précoces

- Arthrose liée au vieillissement : les pistes hormonales

- Arthrose métabolique : vers des options thérapeutiques plus ciblées


 

PATHOGENÈSE DE L'ARTHROSE : COMPRENDRE UNE MALADIE PLURITISSULAIRE INFLAMMATOIRE CHRONIQUE


Les articulations touchées par l'arthrose


L’arthrose affectent le plus souvent les doigts, le cou, le rachis lombaire, les gros orteils, les hanches et les genoux.


Toutes les autres articulations peuvent être concernées mais l’épaule, le coude, le poignet, la cheville sont plus rarement atteints.


Les symptômes de l’arthrose se développent progressivement et ne touchent au départ qu’une seule articulation, ou un petit nombre d’articulations.


Selon l’INSERM, en France (2) :

  • L’arthrose de la colonne vertébrale (cervicale et lombaire) est la plus fréquente dans la tranche d’âge 65–75 ans (70 à 75% des personnes) mais reste le plus souvent silencieuse.

  • L’arthrose des doigts est la deuxième localisation la plus fréquente (60%) et se traduit par des déformations irréversibles.

  • Les arthroses du genou (gonarthrose) et de la hanche (coxarthrose) concernent respectivement 30% et 10% des personnes de 65 à 75 ans.


Les symptômes de l'arthrose


L’arthrose peut être asymptomatique mais en cas de manifestations, on retrouve la triade :

  • Douleur avec parfois gonflement des articulations,

  • Raideur articulaire au lever ou après une période d’inactivité,

  • Perte fonctionnelle : amplitude de mouvement limitée.


Les mécanismes physiopathologiques de l'arthrose


Dans cette pathologie, il est désormais admis l’observation d’une atteinte plus ou moins graduelle des différents tissus articulaires (3, 4) :


Tissu synovial (membrane et liquide) et inflammation synoviale de bas grade (synovite)


Bien que l’arthrose ait été initialement considérée comme une affection non inflammatoire, elle est généralement associée à une production accrue de :

  • Cytokines pro-inflammatoires (IL-1β, TNFα),

  • Médiateurs lipidiques de l’inflammation (eicosanoïdes de type PGE2, thromboxane TXB2, leucotriènes LTB4)

  • Espèces réactives de l'oxygène (ROS) ainsi que des dérivés de l’oxyde nitrique (NO).

Cette étape synoviale contribue au processus douloureux mais également à la progression de l'arthrose.


Cartilage et dégénérescence


Sous l’effet des cytokines pro-inflammatoires, les synoviocytes et les chondrocytes synthétisent un grand nombre de protéases (métalloprotéases) tandis que la synthèse d’inhibiteurs naturels des protéases diminuent.


Ces protéases utilisent comme substrat le collagène et les protéoglycanes de la matrice extracellulaire.


Malgré la production de facteurs de croissance compensatoires (IGF1, TGFβ), le cartilage n’étant ni innervé, ni vascularisé (ce qui limite ses capacités de régénération et de cicatrisation à l’âge adulte), un déséquilibre s’installe conduisant à l’apoptose des chondrocytes et à la dégénérescence progressive du cartilage associée à une défaillance fonctionnelle permanente de l'articulation.


Os sous-chondral et remaniements


Comme dans toute réponse immunitaire, une tentative de réparation des atteintes tissulaires est néanmoins enclenchée.


Contrairement au cartilage l’os possède des propriétés de cicatrisation importante mais parfois anarchique.


Un remodelage inadapté peut alors entraîner au niveau osseux une nouvelle croissance aux extrémités de l’articulation, produisant des excroissances visibles et palpables : les ostéophytes.


Au final, toutes les parties de l’articulation sont progressivement atteintes de façon variable. Chaque tissu ne pouvant plus remplir sa fonction respective de nutrition du cartilage (par le tissu synovial), d’absorption des chocs (par le cartilage) ou de mobilisation (tendons, ligaments et os).



DES OPTIONS THÉRAPEUTIQUES LIMITÉES ET LE PLÉBISCITE DES INTERVENTIONS NUTRITIONNELLES


La saga des options thérapeutiques contre l'arthrose


Selon le rapport de la commission du Lancet tenue en 2020*, le bilan récent des options thérapeutiques actuellement proposées aux patients atteints d’arthrose, fait état majoritairement d'une balance bénéfices/risques défavorable (5).


* En se basant sur les résultats de méta-analyses, et d'avis de sociétés spécialisées : l'Institut national pour la santé et l'excellence des soins (NICE), l'Académie américaine des chirurgiens orthopédiques (AAOS), la Société internationale d'arthrose (OARSI), la Société européenne pour les aspects cliniques et économiques de l'ostéoporose, de l'arthrose et des maladies musculo-squelettiques (ESCEO) et les directives du College of Rheumatology/Arthritis Foundation) (6).


Options thérapeutiques à visée du soulagement de la douleur


Balance bénéfices / risques défavorable :

  • Le paracétamol : il présente un bénéfice minimal dans l'arthrose et un risque d’hépatotoxicité et déplétion en N-acétyl cystéine et glutathion,

  • Les AINS : l'utilisation à long terme d'AINS oraux peut entraîner des effets indésirables graves : risque cinq fois plus élevé d'ulcères gastroduodénaux et de lésions gastro-intestinales supérieures telles que des saignements pouvant aller jusqu'à la perforation du tractus intestinal, risque d’insuffisance rénale à des doses élevées ou en association des inhibiteurs de l'enzyme de conversion ECA ou des inhibiteurs des récepteurs de l'angiotensine avec des diurétiques, augmentation de la pression artérielle,

  • Les dérivés opioïdes : ils n’ont démontré aucun effet cliniquement significatif sur la douleur arthrosique, et leur risque majeur de dépendance est un vrai problème de santé publique à ce jour,

  • Les injections de corticoïdes, effet et qualité des preuves même à court terme, faible, avec un risque d’infection post-injection,

  • La classe des médicaments contre l'arthrose modificateur de la maladie (DMOAD) avec successivement méthotrexate, hydroxychloroquine, ainsi que les bisphosphonates, le facteur de nécrose tumorale (inhibiteurs du TNF) et les antagonistes des récepteurs de l'IL-1 ne sont plus recommandés en raison de l'échec des essais cliniques dans l'arthrose.


Options thérapeutiques sur le plan chondroprotecteur


Balance bénéfices / risques défavorable :


Après avoir fait les frais des preuves limitées de leur efficacité (déremboursement en mars 2015), la classe thérapeutique des anti-arthrosiques d’action lente AASAL est désormais fortement déconseillée par les directives sur l'arthrose.


Ces recommandations concernent également la glucosamine et le sulfate de chondroïtine en tant que compléments alimentaires.


En mars 2019, dans le cadre de son dispositif de Nutrivigilance, l’Anses a déconseillé ces compléments pour des populations à risques identifiées notamment sur le plan métabolique, à savoir :

  • Les personnes diabétiques ou pré-diabétiques, traitées par anti-vitamine K, ou dont l’alimentation est contrôlée pour le sodium, le potassium ou le calcium,

  • Les personnes asthmatiques, allergiques aux crustacés.


Options thérapeutiques plus favorables :

  • La viscosupplémentation :

Même si, sur la base d’essais contrôlés randomisés de meilleure qualité que les précédents, l’injection d’acide hyaluronique (relativement onéreuse) n’est plus remboursée pas la sécurité sociale depuis 2017, cette option demeure pour certains patients une solution de soulagement temporaire avec peu d'effets secondaires (7).

  • Les nutraceutiques :

Les extraits de Curcuma longa ont fait l’objet ces dernières années de suffisamment de revues systémiques et de méta-analyses pour faire consensus sur les résultats reconnus dans le soulagement de la douleur de l’arthrose.


Néanmoins le caractère hétérogène des études ne permet pas encore de pouvoir formuler des recommandations concluantes pour ce nutraceutique.


Les candidats sélectionnés sont souvent des formes bio-optimisées, concentrées en curcuminoïdes (Turmipure Gold®), ou associés à des phospholipides (BCM-95®) voire à d’autres extraits végétaux (Boswellia serrata, Zingiber officinalis).


Dans la balance des risques, il convient toujours de contre-indiquer le curcuma en cas d’obstructions des voies biliaires et de rappeler ses multiples interactions médicamenteuses (8, 9, 10).


Prévention de l'arthrose : importance de la nutrition et de l'activité physique


Au final, les experts recommandent que le traitement de première intention de l'arthrose, qu'il s'agisse de l'arthrose des genoux, de la hanche ou polyarticulaire, se concentre sur un traitement conservateur en mettant l'accent sur l’activité physique et la nutrition.


La société britannique de diététique BDA, a mis à disposition un guide de recommandations sur les principales sources alimentaires de nutriments utiles aux patients arthrosiques : vitamines A, E, C, K (11, 12).


Selon les auteurs, des suppléments en vitamine D et en omégas 3 sous forme d’huile de poisson (13) ne sont pas recommandés systématiquement mais sont à étudier en fonction des situations individuelles (l’apport supplémentaire de vitamine D, doit être objectivé en fonction du bilan biologique et de l’IMC du fait du risque de séquestration par le tissu adipeux).


À ces éléments standards, la plupart des études soulignent également l’intérêt d’un apport suffisant en magnésium et dérivés soufrés (14).


La plupart des instances posent ce constat toujours accablant qu'en termes d’enseignement, de connaissances, et pire encore, de confiance dans la recommandation d'interventions nutritionnelles, le corps médical ne propose quasiment rien malgré l’intérêt des étudiants en médecine en début de cursus (15) !


FACTEURS DE RISQUE ET DE PROGRESSION DE L'ARTHROSE : POURQUOI PARLE-T-ON DE SOUS-TYPES D'ARTHROSE ?


L’arthrose est une maladie plurifactorielle liée à des facteurs génétiques (ou épigénétiques précoces en lien avec les facteurs environnementaux), au vieillissement, à des facteurs mécaniques et métaboliques.


En fonction de la prépondérance factorielle, il est aujourd’hui proposé de classifier les arthroses selon leur phénotype ou sous-type.


Arthrose mécanique


Une anomalie articulaire congénitale, un geste sollicitant de manière répétée l’articulation, un trauma ou encore une affection ayant induit une réaction inflammatoire (infection, cristaux d’urate en cas de goutte) constituent autant de causes d’arthrose secondaire.


La cartographie du sous-type d’arthrose mécanique dépend donc de la contrainte mécanique elle-même, si ce n’est en cas de surpoids et l’obésité, qui sont associés mécaniquement au risque de gonarthrose.


Arthrose génétique et facteurs environnementaux précoces


Les études génétiques, génomiques et épigénétiques publiées au cours de la dernière décennie ont fait progresser la compréhension de la composante génétique de l’arthrose (16).

  • Sur le plan génétique :

L’identification de 56 nouveaux loci de susceptibilité à l'arthrose ont été identifiés par deux méta-analyses d'études d'association à grande échelle sur le génome, portant à 90 le nombre de loci à risque significatif à l'échelle du génome.


Les polymorphismes en cause sont très variables impliquant des gènes codant pour le développement et la morphologie du squelette, la forme de la hanche, l’homéostasie de la matrice extracellulaire, l’immunomodulation et l’inflammation, les voies de l’angiogenèse.


Le critère génétique d'arthrose est également médié par des gènes codant pour des récepteurs impliqués dans le métabolisme des lipides (le récepteur à la leptine LEPR ou encore le sterol regulatory element binding-protein-2 SRBP-2) ou des hormones (les récepteurs α aux oestrogènes).

  • Sur le plan génomique :

Sur la base d’études d'association à l'échelle du génome (GWAS) un portail spécialisé de données transcriptomiques a été développé ainsi que l'identification d’anomalies de méthylation et des microARN, (ARN non codants, acteurs de l’épigénétique) exprimés dans le cartilage arthrosique humain.


Toutes ces données permettent de mieux comprendre les formes familiales ou de prévalence de l’arthrose selon le groupe ethnique. Le sous-type d’arthrose génétique est particulièrement représentatif de l'arthrose du rachis, des doigts et de la coxarthrose.


Dans un cadre préventif, en lien avec les mécanismes de reprogrammation précoce de la machinerie épigénétique, les facteurs environnementaux tels que l’exposition prénatale à la caféine, l’alcool et la nicotine contribuent aussi à la probabilité de développement de l’arthrose.

Dans une certaine mesure, cette composante génétique permet de comprendre la prédisposition de certaines femmes à l’arthrose après la ménopause ou sur le plan métabolique.


Arthrose liée au vieillissement : les pistes hormonales

  • Avant l’âge de 40 ans, les hommes développent plus souvent une arthrose que les femmes, souvent sur la base d’un facteur mécanique.

  • Entre 40 et 70 ans, les femmes développent la maladie plus souvent que les hommes.

  • Après 70 ans, la maladie se développe aussi fréquemment dans les deux sexes.

Le sous-type d’arthrose lié au vieillissement ne constitue plus aujourd’hui une généralité. Tout au plus une probabilité parmi d’autres facteurs de progression de la maladie et soulève surtout des pistes hormonales.


Inégalité homme / femme après 50 ans ?


Plusieurs études épidémiologiques suggèrent une différence significative entre homme et femme.


Les femmes montrent généralement une prévalence plus élevée de l'arthrose à la main, au pied et au genou que les hommes.


En dehors de contraintes liées à la prise de poids, le rôle de facteurs hormonaux a logiquement été évoqué devant l’incidence marquée d’arthrose chez la femme à partir de l’âge de la ménopause.


Contrairement à l’ostéoporose, l’implication de la carence en œstrogènes chez la femme dans l’accélération des processus cellulaires aboutissant à la dégradation de la matrice cartilagineuse a longtemps été discutée scientifiquement.


Il existe aujourd’hui de plus en plus de preuves de l’existence d’un rôle des oestrogènes dans l’homéostasie des tissus articulaires médié par des mécanismes complexes génomiques (éléments de réponse aux oestrogènes (ERE) dépendant) mais également non génomiques (voies de signalisation non ERE en lien avec l’activation de facteurs de croissance) (17).


Côté options thérapeutiques :


À ce jour, du fait de la subtilité des mécanismes d’action des récepteurs aux oestrogènes, les thérapies de remplacement des œstrogènes ou autres modulateurs sélectifs actuels des récepteurs des œstrogènes présentent des résultats mitigés qui ne permettent pas de conseiller une quelconque substitution pharmacologique dans la préservation et/ou la restauration des tissus articulaires dans l'arthrose. Cependant, il sera toujours opportun en santé environnementale de préserver la fonction ovarienne afin d'éviter un épuisement précoce. De façon fonctionnelle, l'utilisation de bourgeons de plantes propose de nombreuses réponses parfaitement adaptées à cette double problématique.


Egalité homme / femme après 65 ans ?


Le rôle de l’hormone de croissance est connu depuis longtemps dans l’homéostasie articulaire tout autant que dans le maintien d’une bonne masse maigre, d’une bonne immunité ou même d’une fonction cognitive correcte avec le vieillissement.


En dépit d’une littérature scientifique suffisante pour cette piste hormonale commune au phénomène de vieillissement dans les études d’association sur l’arthrose, des anomalies du ratio GH/IGF-1 ont été observées chez des patients atteints de toutes sortes d’affections osteo-articulaires (18).


Côté options thérapeutiques :


La recherche médicale a néanmoins bien cerné l’intérêt de cet aspect hormonal dans l’arthrose en lien avec le vieillissement avec la seule véritable innovation de ces dernières années, le développement d’un nouveau médicament dans la classe thérapeutique des DMOAD.


Un traitement encore en cours d’évaluation ciblant localement la régulation de l’axe GH/IGF-1 permettrait un meilleur équilibre entre prolifération et différenciation et améliorait la régénération du cartilage et des tissus environnants de l’articulation tout en diminuant l’inflammation et, par conséquent, la douleur (19).


De façon préventive, ces aspects hormonaux liés au vieillissement confirment l'intérêt du maintien d'une activité physique régulière, d'un apport adapté et suffisant de protéines et constituent des passerelles de régulation avec les facteurs métaboliques.

Arthrose métabolique : vers des options thérapeutiques plus ciblées


Le phénotype ou sous-type d’arthrose métabolique* est associé à des paramètres d'hyperglycémie ou de déséquilibre insulinique, d’hypertension, d'anomalies lipidiques ainsi qu'aux spécificités inflammatoires et endocrines du tissu adipeux abdominal.


La progression de ce sous-type d’arthrose, est commune aux médiateurs de signalisation identifiés ces dernières années dans l’étude du syndrome métabolique en lien avec le microbiome et l’expression du génome (20).


* Il existe également un risque d'arthrose associé au métabolisme du fer (hémochromatose) ou du cuivre (maladie de Wilson).

Des études ont également révélé que les personnes atteintes du syndrome métabolique développent une arthrose à un âge plus précoce et ont une pathologie plus généralisée, une augmentation de l'inflammation et une douleur intense dans les articulations, en comparaison avec les patients atteints d'arthrose en l'absence de syndrome métabolique.


L’arthrose métabolique, majeure sur les personnes de 45-65 ans, est associée à la gonarthrose (indépendamment du surpoids), à l'arthrose digitale et à l’arthrose généralisée.

Plus récemment, une méta-analyse, sur la base d’études prospectives et rétrospectives, indépendantes et robustes (358 944 participants, dont 80 911 patients arthrosiques et 29 213 patients atteints de maladies cardiovasculaires (MCV) confirmait que le risque de MCV était significativement augmenté de 24 % (RR : 1,24, IC à 95 % : 1,12 à 1,37, P < 0,001) chez les patients souffrant d'arthrose par rapport à la population générale, ce qui justifie amplement une prise en charge personnalisée de ce type d’arthrose (21).


L'association des paramètres du syndrome métabolique et risque d'arthrose


Tous les paramètres du syndrome métabolique contribuent à la pathogenèse d’arthrose ce qui amène à une prise en charge individualisée de l'arthrose (22).


  • Des analyses protéomiques du cartilage arthrosique et des chondrocytes ont montré qu'une proportion importante de protéines liées au métabolisme lipidique, telles que les apolipoprotéines, exprimées de façon différentielle dans le tissu arthrosique.

  • L’hypercholestérolémie, notamment LDL-c est associée au risque d’arthrose métabolique par des phénomènes de cytotoxicité, de production accrue d’eicosanoïdes pro-inflammatoires, de dérégulation du métabolisme lipidique cellulaire au niveau des cellules souches mésenchymateuses.

  • Les facteurs métaboliques liés à l'obésité altèrent également les taux circulants d'adipokines, qui contribuent au développement de l'arthrose.

  • L'augmentation de leptine chez les patients atteints d'arthrose serait plus importante dans le liquide synovial, les ostéophytes et le cartilage, et son expression dans le cartilage augmenterait avec la sévérité de l’arthrose.

  • L'hyperglycémie est corrélée avec l'arthrose par le dépôt excessif d'AGE (advanced glycation end-products) produit final de glycation avancée.

  • Enfin, l’association entre hypertension et l’arthrose serait similaire à une maladie vasculaire athéromateuse de l'os sous-chondral : ischémie sous-chondrale et dépôt lipidique ectopique dans les chondrocytes pourraient initier le développement de l'arthrose.


L’identification d’un profil d’arthrose métabolique confirme non seulement l’importance des recommandations en termes d’hygiène de vie et d’alimentation mais justifie également l’adaptation des recommandations précédemment émises en particulier celles limitant l’utilisation d’AINS (risque d’hypertension) ou de glucosamine, chondroïtine sulfate (risque d’hyperglycémie).

La caractérisation des paramètres du syndrome métabolique ouvre une perspective personnalisée de réduction du marqueur prédominant ainsi que des alternatives de supplémentation ciblant la fonction vasculaire, et régulant les principaux « donneurs d’ordre » de la régulation métabolique à savoir le génome et le microbiome.


Des cibles et des perspectives de supplémentation


  • Les récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR) sont exprimées de façon différentielle dans le tissu arthrosique.

Les PPAR sont des facteurs de transcription sensibles aux lipides et aux acides gras libres, leur modulation régule de nombreux gènes directement impliqués dans le métabolisme des acides gras, des lipoprotéines et des glucides, ainsi que l’activité d’autres facteurs nucléaires impliqués dans des processus inflammatoires et pro-thrombotiques.


Ces récepteurs sont également exprimés dans les cellules résidentes de l'articulation, leur activation réprime l'expression de cytokines pro-inflammatoires (IL-1, TNFα), de gènes précoces de l'inflammation (iNOS, COX-2, mPGES-1) ou de métalloprotéases matricielles (MMP-1, MMP-13).


Côtés options thérapeutiques :

  • Cette caractéristique confirme l’utilité de l’utilisation d’extraits de Curcuma longa dans ce profil car la curcumine par l’activation des récepteurs PPARγ, a non seulement un effet hypolipidémiant mais améliore la réponse métabolique relative au glucose (effet anti-hyperglycémiant et protecteur contre la glycation avancée).

  • La modulation des PPARs démontrée dans plusieurs études sur le Resvératrol, pourrait également confirmer l’intérêt de cette molécule dans l’amélioration des scores cliniques et histologiques de patients arthrosiques (500 mg / jour pendant 3 mois) selon plusieurs études dont une étude multicentrique randomisée en double aveugle, contrôlée par placebo, impliquant 110 patients (23).


  • Le microbiome : l'arthrose est associée à une dysbiose du microbiome intestinal ce qui ouvre des perspectives de supplémentation de molécules plus ciblées (24), outre la prise en charge alimentaire de la diversité prébiotique, de la restauration de l’intégrité fonctionnelle des sécrétions et autres hormones entéroendocrines.


Côtés options thérapeutiques :

  • L’utilisation de polymères de polyphénols pourrait en effet constituer une piste d’amélioration plus durable sur le plan du soulagement de la douleur et de l’effet fonctionnel chondroprotecteur.

La métabolisation de ces grosses molécules induit en effet, l'apparition successive dans la circulation sanguine des divers composés phénoliques anti-inflammatoires puis de métabolites via le microbiote.


Ils constitueraient, tout en modulant le microbiote, des formes « retard » particulièrement pertinentes dans le sous-type métabolique.


Les mécanismes ont été particulièrement étudiés avec un extrait breveté d’Oligo-procyanidines OPC, le Pycnogenol®, constitué entre 65 % et 75 % de procyanidines oligomères (100 mg / jour sur 3 mois) (25).


Si la catéchine, l'acide férulique et l'acide caféique à effets anti-inflammatoires se retrouvent rapidement dans le plasma après 30 min, avec des pics de concentration entre 1 et 4 h, la taxifoline (dihydroquercétine reconnue comme utile à la santé vasculaire) apparaît plus tard dans le plasma avec un maximum à 8 h.


La production de métabolites actifs par le microbiote assurent par la suite la diffusion « retard » de molécules toujours actives sur plusieurs heures.


Des mécanismes similaires à l’utilité dans l’arthrose, sont à l’étude avec les ellagitanins des extraits de grenade, particulièrement utiles en cas de syndrome métabolique (26, 27).


  • Le collagène : De façon générale, la synthèse des études suggèrent que l'utilisation de dérivés de collagène comme compléments alimentaires peut être une stratégie pertinente dans la gestion thérapeutique de l'arthrose, tant dans la gestion de la douleur à moyen terme que dans l’aspect chondroprotecteur (28).


Les mécanismes en jeu impliquent majoritairement les métabolites du microbiote issus des peptides du collagène à effets prébiotiques via leur fermentation colique pour générer des acides gras à chaîne courte (qui agiront à leur tour sur l’expression du génome), des acides gras à chaîne ramifiée (BCFA) et une diminution des gaz coliques (NH 4 et H 2S).


Cette compréhension axée sur le microbiote permet de mettre fin à un débat dans le choix des sources de collagène et de ses procédés de fabrication.


En matière d’arthrose (notamment métabolique), les études confirment l’utilité du collagène de type II natif non dénaturé (UC II®), tout autant que de formes hydrolysées.


Mais au sein de cette catégorie, cet éclairage soulève le besoin d’études de plus grandes envergures et d’harmonisation en termes de compositions peptidiques (très variables d’un hydrolysat de collagène à l’autre) et nuance l'argument marketing d'extrême assimilation puisque le bénéfice implique l'effet prébiotique (29).



CONCLUSION


Grace à l’avancée majeure en matière de compréhension globale des mécanismes génomiques, immunologiques et métaboliques des maladies chroniques, il est enfin possible de dépoussiérer notre vision de l’arthrose.


À chacun son arthrose, à dessiner selon un gradient factoriel plus ou moins modulable, où l’activité physique, l’alimentation et une supplémentation personnalisée prennent toutes leurs dimensions préventive et thérapeutique.


Vous retrouverez notamment des éléments complémentaires sur le sujet dans le Module 8- Dysfonctionnements immunologiques et métaboliques : Maladies chroniques




Marie-I. LODATO

Formatrice en Santé environnementale, Nutrigénomique et Sciences des plantes médicinales

Co-Responsable pédagogique Oreka Formation

Co-Conceptrice de la Nutrition Fonctionnelle Adaptative



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8. Y Henrotin, M Malaise, R Wittoek et al. Bio-optimized Curcuma longa extract is efficient on knee osteoarthritis pain: a double-blind multicenter randomized placebo controlled three-arm study. Arthritis Res Ther. 2019 Jul 27;21(1):179.doi: 10.1186/s13075-019-1960-5.

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1 Comment


Guest
Jan 25, 2024

Je vous remercie pour votre article c'est très intéressant

Voici un article sur un nouveau médicament efficace pour l'arthrose de la main: https://santemedicals.com/un-medicament-reutilise-peut-offrir-un-soulagement-aux-personnes-souffrant-darthrose-de-la-main/

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